HOUSE OF GUCCI
Fringues, traitrises et petits meurtres en famille : les dessous pas vraiment chics de la haute couture. Orchestrée par Ridley Scott, une danse de la mort emmenée par Lady Gaga, Adam Driver, Al Pacino et Jared Leto.
Par Marc Godin
A peine deux mois après la sortie du magnifique Le Dernier Duel, Sir Ridley Scott revient avec une nouvelle histoire d’empire, de trahison, de guerre sans merci et de meurtre. Sauf que son film ne se déroule pas pendant la guerre de Cent ans ou la Rome antique, mais entre Turin et New York, de 1970 aux années 90.
Inspiré d’une histoire vraie qui a éclaboussé le monde de la mode, House of Gucci raconte donc la saga complètement dingue de la famille Gucci qui va s’entredéchirer pour quelques poignées de millions de dollars. Gérants d’un empire du luxe, les deux fils du fondateur, Aldo (Al Pacino) et Rodolfo (Jeremy Irons), se partagent les dividendes de cette marque bling de maroquinerie haut de gamme
Le fils du premier (Jared Leto) est un complet idiot (« Mais c’est mon idiot »), le second, Maurizio (Adam Driver), se destine au métier d’avocat.
Mais bientôt, le timide et onctueux Maurizio croise le chemin de Patrizia Reggiani, une garce manipulatrice, bien décidée à mettre le grappin sur lui et la main sur le (beau) magot des Gucci.
Coups bas, intrigues, trahisons, elle va remonter la chaîne alimentaire, avec son mari, pour tenter de prendre la tête de la vénérable maison…
« Cela valait chaque centime »
Signé Becky Johnston, auteur de cinq scénarios inégaux en 35 ans (dont Le Prince des marées), et de l’illustre inconnu Roberto Bentivega, le script de House of Gucci est une pure merveille, un festival de vacheries, de croches-pattes et de coups de couteau dans le dos, écrit avec une plume trempée dans le venin.
Il faut dire que les deux scénaristes ont comme matière première une hallucinante histoire vraie à base de fric, de sperme et d’hémoglobine, et ce personnage ahurissant de Patrizia, veuve noire allumée qui finira par faire assassiner son ex-mari contre 365 000 dollars et déclarera crânement « Cela valait chaque centime. » Shootés au cyanure, les scénaristes signent une sublime partition pour chacun des acteurs, qui balancent avec délectation des horreurs, sanglés dans leurs sublimes costumes, sous l’or des palaces.
Il faut voir Lady Gaga déclarer « I don’t consider myself a particularly ethical person » ou la moue de dégoût de Jeremy Irons, vieux patriarche cynique, sosie de Nosfératu, effondré à l’idée que son fils puisse épouser une roturière vulgaire et inculte.
Farce noire et jeu de massacre
Le chef d’orchestre de cette farce grotesque est donc Ridley Scott, qui souhaitait réaliser ce film depuis une quinzaine d’années. Avec son brio habituel, ses douze caméras et le chef op Dariusz Wolski (Prometheus, Cartel…), il filme les podiums, les chambres nuptiales et les palaces, entre Milan à New York, enjambant les années.
Déchaîné, il cisèle une pantalonnade noire et trash peuplée d’une poignée de dingos et hantée par la mort. Ca grince, ça couine, ça saigne… Avec la musique du film (Eurythmics, George Michael, Donna Summer, Bowie, mais aussi Madame Butterfly ou Le Barbier de Séville), il décale à chaque fois, raconte le contraire de ce qu’il montre.
Les personnages se croient dans un drame shakespearien ou une version bling du Parrain, ils sont dans un mauvais soap, cheap et vulgaire. Et soudain, Scott fait tomber le masque. Derrière les costards sur mesure et les belles manières, des âmes dégueulasses, la veulerie et le goût du fric, et du sang, l’obscénité de la richesse. Un cloaque peuplé de monstres, de dégénérés grotesques animés par la haine des femmes, des pauvres, de l’autre, qui attendent le moment propice pour sortir l’épée et s’offrir une belle mise à mort.
Jeu de massacre
Dans ce jeu de massacre, Ridley Scott dirige d’une main de fer son casting grand luxe, où chacun joue sur un registre différent. Persuadé d’être un génie, Jared Leto piaille et cabotine, Adam Driver compose un personnage gentiment effacé, qui cache une âme de traître et de tueur, Lady Gaga, Lady Macbeth en tailleur, s’offre un festival de mauvais goût et d’accent forcé et Al Pacino tire les ficelles en se gondolant (« Gucci is what I say it is »), avant la chute.
Moins fort que Cartel car moins bien écrit, House of Gucci est la nouvelle réussite d’un jeune cinéaste de 84 ans qui se réinvente une nouvelle fois et qui met un bon doigt dans le fondement du capitalisme, un sourire de sale gosse accroché aux lèvres.
Sortie : Le 24 novembre 2021 – Durée : 2h35 – Réal. : Ridley Scott – Avec : Lady gaga, Adam Driver, Jared Leto… – Genre : Biopic – Nationalité : Américaine
Mais bientôt, le timide et onctueux Maurizio croise le chemin de Patrizia Reggiani, une garce manipulatrice, bien décidée à mettre le grappin sur lui et la main sur le (beau) magot des Gucci. Coups bas, intrigues, trahisons, elle va remonter la chaîne alimentaire, avec son mari, pour tenter de prendre la tête de la vénérable […]