Avec ce docu magnifique, David Dufresne interroge le maintien de l’ordre en France pendant le mouvement des Gilets jaunes. Et donne à penser avec la pluralité des voix de sociologues, philosophes, historiens.

Par Marc Godin

C’est un drôle d’objet et un grand film.

Pendant des mois, David Dufresne, lanceur d’alerte spécialiste des questions sur la police et du maintien de l’ordre, a collecté des images de violences policières qu’il a mis en avant sur son fil Twitter (Allô place Beauvau), qu’il a vérifié, contextualisé. « Je suis choqué par la violence policière, atterré par le silence médiatique et révulsé par le déni politique. C’est le point de départ. »

De ces centaines d’heures d’images, des vidéos capturées avec des Smartphones, violentes, dramatiques, parfois insoutenables, il a fait un long-métrage de cinéma, du vrai et grand cinéma politique. Ainsi, il nous plonge au cœur de la mêlée, dans le chaos et la fureur, nous montre ce que l’on occulte depuis près de deux ans, qu’avec les Gilets jaunes, le maintien de l’ordre en France s’est transformé en répression.

Les enfants mis à genoux, les hommes, femmes, vieillards assommés par derrière, mutilés, éborgnés, tout est là, 24 fois par seconde. Irréfutable, imparable, définitif ! Des images que l’on a déjà vues, parfois jusqu’à la nausée, sur les réseaux, mais qui sur grand écran provoquent le vertige, car déconnectées des propos avariés de commentateurs (Renaud Dely qui a qualifié les Gilets jaunes de « vermine », Yves Calvi qui parle d’« une escroquerie »…) et du discours habituel des politiques (Emmanuel Macron, en mars 2019, « Ne parlez pas de “répression” ou de “violences policières”, ces mots sont inacceptables dans un Etat de droit »).

L’impact est amplifié, démesuré, les coups, le spectateur les prend en pleine gueule, ainsi que le caractère arbitraire, aveugle, de cette violence d’Etat, qui mutile les corps et brise les vies.

« La démocratie, c’est le dissensus ! »

En parallèle, David Dufresne invite sociologues, flics, Gilets jaunes, écrivains, avocats, mères au foyer et philosophes à confronter leurs points de vue. « Le film est une synthèse destinée à nourrir le débat et à engendrer une analyse collective. C’est pourquoi les intervenants sont issus d’univers très divers et je n’y apparais absolument pas. »

Deux par deux, ils réagissent aux vidéos que le spectateur vient d’encaisser, sans que leur identité et leur profession n’apparaissent à l’écran, afin « de les écouter sans préjugés ».

C’est intelligent, profond, on s’écoute, on se respecte, une pensée s’articule enfin, loin de la propagande des principaux médias (que Dufresne enterre en deux minutes chrono, avec des extraits choisi d’Yves Calvi et Pascal Praud en ébullition).

Des conversations apaisées

Dans Un pays qui se tient sage, on entend des choses comme « C’est la nature même de la démocratie d’accepter de ne pas être d’accord. La démocratie ce n’est pas le consensus. La démocratie, c’est le dissensus ! ». Ou « Une police républicaine est au service du peuple et non pas au service de l’Etat. Le maintien de l’ordre, ce n’est pas la colère. » Des conversations apaisées qui donnent à penser que tout n’est peut-être pas perdu dans ce pays…

Alors qu’aujourd’hui, en France, « on peut être arrêté voire condamné pour avoir scandé un slogan ou peint des banderoles », selon Amnesty International (septembre 2020), voici un film qui peut changer votre point de vue, provoquer en vous un questionnement, vous pousser à revoir vos convictions. Indispensable.

Sortie : 30 septembre 2020 – Durée : 1h 26 – Réal. : David Dufresne – Genre : Documentaire – Nationalité : Française – Distribution : Jour2Fête

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Les enfants mis à genoux, les hommes, femmes, vieillards assommés par derrière, mutilés, éborgnés, tout est là, 24 fois par seconde. Irréfutable, imparable, définitif ! Des images que l’on a déjà vues, parfois jusqu’à la nausée, sur les réseaux, mais qui sur grand écran provoquent le vertige, car déconnectées des propos avariés de commentateurs (Renaud Dely […]