POLICE
Dans le huis-clos de leur voiture, trois flics brisés emmènent un migrant vers l’avion de la déportation. Un voyage au bout de la nuit, sublimé par Anne Fontaine.
Par Marc Godin
Rien dans Police ne devrait fonctionner.
Le titre, repompé au film de Pialat.
Le scénario tire-larmes avec migrant reconduit à la frontière et flics dépressifs-suicidaires-à-la-dérive.
La structure en huis-clos, avec quatre personnages enfermées dans un Renault Kangoo.
Le casting, avec Omar Sy, acteur plutôt consternant, en flic avec états d’âme…
Pourtant, tout fonctionne et Police s’apparente à un petit miracle. Car à l’origine, Police est un excellent bouquin de 2016 du romancier Hugo Boris (également auteur du Courage des autres) qui se présente en interview en déclarant : « J’ai été conçu au Mozambique, mais je suis né à Paris, à la clinique des Bleuets, troisième étage, au fond à droite. »
Un matériau beau et puissant
De ce matériau beau et puissant, Anne Fontaine et sa coscénariste Claire Barré ont tiré une structure narrative complexe (moins que Tenet, hein) puisqu’au début, chaque scène est filmée sous deux angles, en fonction du protagoniste, avec une série de flash-backs qui éclairent (un peu) la noirceur du propos.
Les trois flics, incarnés par Virginie Efira, Omar Sy et Grégory Gadebois sont présentés dans leur quotidien, dans la routine d’un boulot harassant et dans leurs pathétiques vies privées : Efira, mariée, enceinte de son amant, Omar Sy, a décidé d’avorter, Gadebois vit avec une femme dépressive et tyrannique et semble prêt à replonger pieds joints dans l’alcool.
Et puis, il y a ce sans-papier d’origine tadjike (Payman Maadi), quasi mutique, qui va être déporté et qui sera probablement assassiné s’il prend l’avion qui l’attend à Roissy.
Quatre personnages avec leurs parts d’ombre, leur désespoir, dans l’espace clos d’un Kangoo, théâtre d’un affrontement titanesque, digne d’un western dans les grands espaces de Monument Valley ou d’une tragédie grecque. Le tout a été filmé en studio, mais la mise en scène élégante d’Anne Fontaine et la lumière de l’excellent Yves Angelo vous clouent au fauteuil de ce corbillard qui fend la nuit. Un véritable tour de force.
Un César pour Gadebois
L’autre excellente surprise du film, c’est la direction des acteurs. Virginie Efira est une nouvelle fois magnifique en flic à côté de ses pompes, et Omar Sy, mélancolique, s’autorise enfin à jouer, loin de ses habituelles pantomimes. Mais la grosse révélation, c’est Grégory Gadebois, gardien de la paix étranglé par son respect à la loi, aux ordres et à sa femme. Il faut le voir griller cigarette sur cigarette, ou au comptoir d’un bar, humer les effluves d’un verre d’alcool. Le désespoir chevillé au corps, les yeux perdus, il est magnifique.
S’il n’obtient pas un César, je lui paie une tournée, juré.
Sortie : 2 septembre 2020 – Durée : 1h 39 – Réal. : Anne Fontaine – Avec : Virginie Efira, Omar Sy, Grégory Gadebois… – Genre : policier – Nationalité : Française
Un matériau beau et puissant De ce matériau beau et puissant, Anne Fontaine et sa coscénariste Claire Barré ont tiré une structure narrative complexe (moins que Tenet, hein) puisqu’au début, chaque scène est filmée sous deux angles, en fonction du protagoniste, avec une série de flash-backs qui éclairent (un peu) la noirceur du propos. Les […]