Madre
Le fils d’Elena a disparu depuis dix ans, depuis, elle surmonte sa douleur comme elle peut. Elle va rencontrer Jean, un adolescent qui… lui rappelle son fils. Après Que Dios Nos Perdone et El Reino, le cinéaste espagnol Rodrigo Sorogoyen livre un film poignant et haletant.
Par Colonel Dawa
Le cinéma espagnol est plein de vie et de créativité, ce n’est pas une nouveauté, et si, alors qu’il n’a pas encore 40 ans, Rodrigo Sorogoyen est moins connu que ses compatriotes Almodovar, Amenabar ou encore De la Iglesia, son style ciselé, et sa maîtrise du rythme, font de lui le maître actuel du thriller hispanique.
En deux films sortis en France, Que Dios Nos Perdone en 2016, qui se déroulait à Madrid en 2011 sur fond de visite du Pape Benoit XVI et de crise économique, et El Reino, un thriller haletant qui dénonçait la corruption politique espagnole, Sorogoyen, accompagné du comédien Antonio de la Torre, présent dans les deux films et vu entre autres dans Volver, a malgré de petits budgets, fait preuve d’un talent et d’une personnalité filmique bien à lui.
Et Madre, qui est l’adaptation d’un court-métrage de Sorogoyen lui-même, et qui fut nommé aux Oscars en 2018, vient confirmer ce talent.
Une tension immédiate
Le film démarre avec un plan-séquence très tendu de dix-sept minutes dans lequel Elena, jouée par Marta Nieto, subit au téléphone l’enlèvement de son fils. Avec cette scène choc, Sorogoyen pose immédiatement les bases d’une œuvre dans laquelle le spectateur va quasiment être contraint de s’immerger dans la détresse de cette mère. Le cinéaste va alors, durant les 2h09 que dure son film, ne plus jamais lâcher son personnage ni le public.
Mettre la société face à ses contradictions
Le cinéma de Sorogoyen est noir et souvent désabusé, son aptitude à mettre en lumière une société remplie de contradictions et de zones d’ombres est unique, le cinéaste s’exprimant ainsi : « Ce sont des aspects de notre société que nous ne voulons pas voir, parce que ce n’est pas confortable, mais je crois que nous devons les regarder en face et les accepter. L’objectif de mes films est de regarder ces zones d’ombre, de vivre avec elles pendant une heure et demie ou deux heures. »
Et alors que la narration de Madre, qui se déroule dans les Landes, dix années après et, sur le lieu du drame décrit ci-dessus, brouille les pistes et entraîne le spectateur, comme un plaisir coupable, à se lier à des personnages qui ne le méritent pas vraiment, le réalisateur semble se régaler à se jouer du public. Et le pire, c’est qu’on s’abandonne à ce jeu sans aucunes retenues.
Et à la fin…
Fidèle à son style – et on ne spoilera rien en disant ça – Sorogoyen termine son film avec une fin ouverte, une fin qui se soumet entièrement à l’imagination du spectateur, le réalisateur précisant : « C’est une manière d’inviter le public à échanger avec le film. Si on y arrive, on a gagné. Si on oublie le film qu’on vient de voir, c’est un échec. »
A l’arrivée, le long-métrage, qui met également en scène le jeune Jules Porier et Anne Consigny, mélange habilement le suspense aux émotions et ne sombre jamais dans les clichés du genre.
Si vous devez vous donner une bonne raison de retourner en salles actuellement, n’hésitez pas, Madre sera la meilleure de ces raisons !
Sortie : 22 juilletr 2020 – Durée : 2h09 – Réal. : Rodrigo Sorogoyen – Avec : Maria Nieto, Jules Porier, Alex Brendemuhl… – Genre : drame – Nationalité : Française – Espagnole
Et Madre, qui est l’adaptation d’un court-métrage de Sorogoyen lui-même, et qui fut nommé aux Oscars en 2018, vient confirmer ce talent. Une tension immédiate Le film démarre avec un plan-séquence très tendu de dix-sept minutes dans lequel Elena, jouée par Marta Nieto, subit au téléphone l’enlèvement de son fils. Avec cette scène choc, Sorogoyen […]