Pendant l’Occupation, Lucas Steiner, juif allemand réfugié à Paris, n’a d’autre choix que de fuir l’ennemi. Obligé de se cacher, les rênes de son prestigieux Théâtre du Montparnasse sont confiées à sa femme Marion. La jeune femme prend son rôle à cœur, non sans difficultés…

Par Charlotte Engel

« Je n’en peux plus (…) je dois sortir de là… », ces paroles prononcées par Lucas Steiner, alors enfermé dans la cave du théâtre Montparnasse pour sa protection, nous rappellent étrangement une situation connue de nous tous : le confinement du printemps 2020, qu’il nous semblait malvenu de ne pas évoquer.

Comment ne pas se mettre à la place de l’ancien directeur de théâtre qui durant ces huit cents jours, accumule les activités solitaires réduites, à l’époque, à la lecture de livres, de journaux ou à l’écoute d’une radio de propagande antisémite ?

Et, comme l’a démontré la crise sanitaire du covid-19, la créativité est source de vie. Lui aussi s’efforce de puiser dans les abîmes de son imagination, jusqu’au jour où une lueur s’impose à son esprit : l’allemand creuse un sillon dans le mur pour écouter les répétitions. Dès lors, il soumet à sa femme une oreille attentive et critique sur l’évolution de la pièce …

Il nous semblait tout aussi inévitable d’aborder la présence de cette bouche de métro servant de refuge quand retentit la sirène d’alerte, et ces théâtres restés ouverts. Métro et lieux publics n’ont résolument pas la même fonction en temps de guerre sanitaire où ces endroits ne sont plus que menace et insécurité, foyer central de notre ennemi invisible.

La guerre en toile de fond

Nul besoin pour Truffaut de multiplier les coups de feu pour nous infliger la violence de la guerre. Le climat est déjà suffisamment pesant pour que cela nécessite un supplément de cruauté et de barbarie. C’est sur le fond que le réalisateur de Jules et Jim et de la Sirène du Mississipi, guidé par les préceptes de la Nouvelle vague, compense ce choix. Il cultive inlassablement la force des sentiments et encourage les valeurs d’un dialogue fort, sensible. Le tout dans le respect de l’intimité et du secret que chacun renferme.

Selon les « codes François Truffaut », aucun personnage n’est là par hasard. Tous se dotent d’une personnalité forte et deviennent indispensables au déroulement de l’intrigue.

Un film aux 10 César

Lucas Steiner, joué par Heinz Bennent, est le juif du film, celui que l’on recherche, le plus vulnérable d’entre tous. Marion, alias Catherine Deneuve, est la femme de Steiner, figure féminine du désir. Elle encoure des risques à porter le nom de son mari, se voyant même menacée de divorcer.

Daxiat est l’ennemi juré, le collabo, l’élément perturbateur, interprété par Jean-Louis Richard. Bernard, joué par Gérard Depardieu, occupe la place de l’amant et celle de la figure masculine du désir. Jean-Loup, metteur en scène très respecté est incarné par Jean Poiret (La cage aux folles, Poulet au vinaigre, Inspecteur Lavardin).

Arlette, costumière et Nadine, actrice, jouées par Andréa Férreol et Sabine Haudepin, symbolisent l’une comme l’autre, une forme de liberté et de réussite, une certaine modernité. Arlette se fait surprendre en train d’embrasser Sabine et admet plus tard son amour impossible pour Marion. Sabine proclame une plus grande liberté professionnelle et enchaine les castings en clamant à qui veut l’entendre, son vœu de devenir célèbre.

Ce n’est pas un hasard si le film remporte un triomphe lors de la 6ème cérémonie des César, obtenant alors 10 prix dont les cinq plus prestigieux : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario, meilleur acteur et meilleure actrice pour les deux têtes d’affiche : Gérard Depardieu et Catherine Deneuve. Sans compter les nominations de Heinz Bennent pour celui du meilleur acteur dans un second rôle) et d’Andréa Ferréol pour le César de la meilleure actrice dans un second rôle.

Et nous terminerons sur ces répliques échangées entre Bernard et Marion dans Le Dernier Métro. Les paroles renvoient notamment à un autre film de François Truffaut, La sirène du Mississipi:

« Tu es belle Elena, si belle que te regarder est une souffrance.
– Hier vous disiez que c’était une joie.
– C’est une joie, et une souffrance. »

… Joie que nous ressentons sans pour autant souffrir, en redécouvrant cette comédie dramatique de 1980, qui n’a pas pris une ride.

Sortie : 17 septembre 1980 – Disponible sur Netflix – Durée : 2h13 – Réal. : François Truffaut – Avec : Catherine Deneuve, Gérard Depardieu, Jean Poiret… – Genre : drame – Nationalité : Française

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Et, comme l’a démontré la crise sanitaire du covid-19, la créativité est source de vie. Lui aussi s’efforce de puiser dans les abîmes de son imagination, jusqu’au jour où une lueur s’impose à son esprit : l’allemand creuse un sillon dans le mur pour écouter les répétitions. Dès lors, il soumet à sa femme une oreille […]