A l’aube du 20e siècle, Jules et Jim, deux amis artistes vont tomber amoureux de la même femme. Jules va épouser Catherine, la guerre va éclater et séparer les deux hommes, ils se retrouvent en 1918.

Par Charlotte Engel

Parcourir l’œuvre de François Truffaut, c’est se replonger au cœur de la Nouvelle Vague, c’est se nourrir de relations humaines guidées par la passion et laisser de côté les effets spéciaux au profit des pulsations du cœur.

Jules et Jim, sorti en 62, et troisième long-métrage du réalisateur, est le fruit de cette quête sentimentale, où l’amour et la mort cohabitent sans cesse.

Le film, adapté du roman éponyme d’Hervé Pierre Roché publié en 1953, retrace l’histoire d’une relation amoureuse triangulaire, conception pleinement révolutionnaire à l’époque où le film sort, également à celle de la sortie du livre et encore davantage dans la première moitié du 20e siècle. Le film lui-même, va avec lui, emmener le cinéma français vers une nouvelle ère quant à sa narration des relations sentimentales.

Le tourbillon de la vie

Ici, les personnages n’aspirent pas à la réussite professionnelle, seul leur importe le moment immédiat, auprès de la femme qu’ils aiment. Porter la passion comme un lourd fardeau sur les épaules leur apporte autant de bonheur que de sacrifices mais, s’ils en redemandent, c’est que cela rythme leur existence, et la rend riche de sens. S’ils peuvent tomber de très haut, parfois même en mourir, ils sont prêts à payer le prix de cette liberté. Ils vont peu à peu se laisser submerger par ce tourbillon de la vie, ce dernier étant mis en lumière par Jeanne Moreau dans une chanson qui aujourd’hui encore, emporte les cœurs.

Jules, joué par Oskar Werner et Jim, incarné par Henri Serre, sont deux hommes inséparables, les « Don Quichotte et Sancho Panza » de Paris, qu’à première vue rien ne vouait à une si grande amitié. L’un Français, l’autre Autrichien, obligés de s’affronter pendant la Grande Guerre. La présence d’une femme, Catherine, vient fragiliser leur équilibre.

L’élément central de deux existences

Aimée par les deux héros que tout opposait avant elle, la jeune femme, incarnée par Jeanne Moreau – que Truffaut dirigera à nouveau dans La Mariée était en noir en 1968 – devient l’élément central de leur existence, l’unique objet de leurs désirs.

Ils semblent tout à fait impuissants face à son pouvoir de séduction, cherchant même parfois à se l’expliquer : « Catherine n’est pas spécialement belle, ni intelligente, ni sincère, mais c’est une vraie femme, une femme que tous les hommes désirent. » Jules et Jim sont conscients de leurs sentiments respectifs, résolus à en parler ensemble.

Catherine épouse Jules, lui offre une petite fille mais la fidélité ne lui sied guère, elle qui aspire à tant de liberté. Son mari préfère se contenter de la situation plutôt que de la perdre : « Je ne lui en veux pas. Je renonce peu à peu à elle. »  L’Autrichien cède même sa femme à son meilleur ami, préférant cette situation, que de la retrouver dans les bras d’un inconnu.

Dominer le sexe opposé

Le personnage de Catherine est la figure « saganesque » dont les films de la Nouvelle Vague raffolent, figure d’une féminité libérée, soumise au désir d’aimer et d’être aimée en retour mais aussi par celui de fuir, juste avant que la flamme ne s’éteigne. Le simple fait qu’elle soit la seule du trouple à posséder une voiture, souligne sa volonté à tenir les rênes dans le couple, à dominer le sexe opposé.

En voix off, les dernières pensées de Jules peuvent sonner comme de l’indifférence, mais seule la mort de Catherine pouvait mettre fin à cette lutte, le détacher d’elle.

« Jules n’aurait plus cette peur qu’il éprouvait depuis le premier jour : d’abord que Catherine le trompe puis seulement qu’elle meure puisque c’était fait. (…) Lui Jules avait sa fille. Catherine avait-elle aimer la lutte pour la lutte ? Non. Mais elle en avait étourdi Jules jusqu’à la nausée. Un soulagement l’envahissait. »

Une voix off qui, au bout du compte, ne laisse personne indifférent aux aléas de ce trio amoureux magistralement mis en scène par un François Truffaut au sommet de son art.

Sortie : 24 janvier 1962 – actuellement sur Netflix – Durée : 1h45- Réal. : François Truffaut – Avec : Jeanne Moreau, Oskar Werner, Henri Serre… – Genre : drame – Nationalité : Française

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