Brooklyn Affairs
Par Jean-Pascal Grosso
Après la mort de son patron, un détective privé atteint de troubles neurologiques se lance dans une enquête sinueuse. Brooklyn Affairs permet à Edward Norton de s’essayer, non sans élégance, au film noir. A la fois derrière et devant la caméra.
Lorsque son patron Frank Minna (Bruce Willis) est tué lors d’un mystérieux rendez-vous, Lionel Essrog (Edward Norton), détective privé atteint du syndrome de Gilles de la Tourette, décide de mener l’enquête. Rapidement, il se retrouve sur la piste de l’impénétrable Moses Randolph (Alec Baldwin), homme politique de l’ombre dont l’emprise supposée sur New York bouleverse la vie de nombre de ses habitants…
Les codes du roman noir
Adapté du roman Les Orphelins de Brooklyn de Jonathan Lethem, dont l’action se déroule en 1999, l’intrigue de Brooklyn Affairs a été transposée dans les années 50, « époque de grands changements » selon Norton.
Il y a vu là le matériel idéal pour traiter des inégalités et des injustices qui perdurent encore aujourd’hui, selon lui, la Grosse Pomme. Reprenant à son compte les codes du roman noir tendance Raymond Chandler, il s’en joue plus ou moins joyeusement (le film est baigné d’un sentiment de mélancolie communicatif) pour peindre le portrait d’un homme à part en quête de reconnaissance voire de respectabilité au-delà de son handicap.
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Corruption & manipulations
On passera outre l’habituel laïus antiraciste – la scène du fameux « méchant blanc » qui refuse une place libre dans le métro à l’héroïne noire fatigue plus qu’elle ne dénonce -, certes présent dans le roman, mais qui désormais apparaît comme une figure imposée dans le cahier des charges hollywoodien.
Le dossier (la mainmise sur les quartiers pauvres par des promoteurs rapaces) est déjà assez lourd et le portrait de l’activiste campée par la britannique Gugu Mbatha-Raw (Un Raccourci dans le temps) assez net pour ne pas avoir à en rajouter. L’histoire qui mêle meurtres, corruption, manipulations, jazz, drogue et politique, s’épaissit au fur et à mesure qu’avance l’enquête alambiquée. Ainsi veut la tradition du « Noir » à l’américaine : on ne sort pas moins perplexe de la projection de Brooklyn Affairs que de celle du Privé (1973) de Robert Altman ou du Grand Sommeil (1946) d’Howard Hawks !
Belle direction d’acteurs
Reste un film « en costume » et d’ambiance qui renvoie à des références comme ceux d’Humphrey Bogart et l’univers de James Ellroy. Réalisateur et interprète principal, Edward Norton rend une copie honorable dans un genre qui aime à brouiller les cartes. Et il prouve par cet exercice plus classique que détonant sa capacité à diriger des acteurs de caractère comme Willem Dafoe (dans un rôle de frère roué et méprisé) ou le tempétueux Alec Baldwin (ici aussi rugueux à l’écran que, semble-t-il, à la ville).
C’est un bel exploit qui mérite qu’on lui tire son chapeau. Un mou à la Philip Marlowe de préférence.
Sortie : 4 décembre 2019 – Durée : 2h25 – Réal. : Edward Norton – Avec : Edward Norton, Gugu Mbatha-Raw, Alec Baldwin… – Genre : policier – Nationalité : Américaine
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