Par Marc Godin

C’est un objet pop, coloré et déviant, mixte zinzin de western-spaghetti, de BD et de film de kung-fu, infusé dans la culture rap, comme un film de la Shaw Brothers passé à la moulinette Grindhouse. Poids lourd du rap, âme du Wu-Tang Clan, RZA signe sa lettre d’amour à un cinéma qu’il admire depuis sa plus tendre enfance. « À 8 ans, j’ai découvert Bruce Lee et je ne m’en suis jamais remis. Comme je n’avais pas d’argent pour prendre le bus, tous les matins, en marchant pour aller à l’école, j’imaginais des tas d’histoires de kung-fu. » Vu comme acteur dans American Gangster ou Les Trois Prochains Jours, RZA passe derrière la caméra, après avoir composé quelques sublimes BO et étudié la mise en scène sur différents tournages, notamment Kill Bill de son pote Tarantino. Avec Eli Roth (l’auteur-réalisateur de Hostel), il signe un scénario embrouillé, une histoire de forgeron noir plongé au cœur d’une lutte entre deux clans prêts à tout pour s’emparer d’une cargaison d’or. Une trame basique dont il se fiche comme de son premier sample, car ce qui intéresse RZA, c’est l’abstraction violente : les bastons sauvages, le sang qui gicle comme la peinture sur une toile de Pollock, la calligraphie numérique. Du très bon mauvais goût… Les corps s’envolent, s’ouvrent, les yeux sont expulsés sous la violence des coups, le tout sur du rap hardcore signé RZA himself ou du Wu-Tang Clan. On se retrouve projeté quarante ans en arrière, à l’époque de La Rage du tigre ou de La 36^e Chambre de Shaolin, baigné dans un plaisir purement cinétique. Et si RZA se révèle un artiste martial balourd, le champion de catch Dave Batista crève l’écran et Russell Crowe, dans le rôle très cool d’un agent britannique badass, traverse le film en distribuant des pains, le sourire aux lèvres. Comme le spectateur au sortir de cet étonnant voyage dans le temps et le cinéma de genre.