L’Œuvre sans auteur 1 & 2
Par Jean-Pascal Grosso
Comment créer, s’aimer et préserver l’amour de l’art dans le chaos ? C’est la question que pose le réalisateur de La Vie des autres dans un diptyque passionnant.
Oubliées les séquelles de The Tourist, sa déroute hollywoodienne. Florian Henckel von Donnersmarck est retourné en Allemagne pour le bonheur cinéphilique de tous (ou presque). Le défi était de taille : raconter la vie d’un jeune artiste-peintre (inspiré de celle de Gerhard Richter) dans l’Allemagne du XXe siècle – de l’avènement du nazisme à sa division en deux états, à couteaux tirés, au lendemain de la Seconde guerre mondiale. La passion, la création, le deuil, la trahison, la vengeance, la justice, le pardon… Sentiments, ressentis, et idées s’entremêlent ici dans un ballet saisissant orchestré par celui qui fut révélé par le succès de La Vie des autres (2007).
L’histoire ? En 1937, à Dresde, Kurt, un enfant, guidé par sa rayonnante tante Elisabeth (Saskia Rosendhal), découvre une exposition sur « l’art dégénéré ». Il s’en fait le serment précoce : plus tard, il sera artiste.
Les années passent, chargées en drames : la mort de la tante aimée exécutée par les nazis, le bombardement apocalyptique de Dresde, la victoire alliée, la scission de l’Allemagne. Devenu un peintre plein de promesses en RDA, Kurt (Tom Schilling) s’éprend d’Ellie (Paula Beer), ni plus ni moins la fille de l’homme qui a scellé le sort d’Elizabeth des années auparavant…
L’Œuvre sans auteur s’étend sur deux films mais il n’aurait pu en former qu’un, d’un peu plus de trois heures, tant son récit emprunt, tour à tour, de tragédie et d’espoir, sa savoure comme une réussite narrative et visuelle. A l’heure d’un cinéma de plus en plus régressif, où le film pop-corn produit à coups de milliards se pare de prétentions auteurisantes, un vent d’air frais et un salut adulte inespéré arrivent d’Europe.
Oui, l’idée de fresque sans super-pouvoirs et héros en apesanteur est encore réalisable. Oui, encore, il est possible de parler d’art et de guerre, d’amour et de destruction, sans perdre le lien avec le public et ainsi signer un film à la fois populaire et passionnant.
Quant à ceux qui trouveraient le résultat, de par sa forme, trop « académique », les longs-métrages abâtardis en vidéo-clips fleuves qui, chaque semaine, sortent sur les écrans auront largement de quoi épancher leur soif d’images non-pérennes. Von Donnersmarck a opté, lui, pour plus de classicisme en rapport avec l’histoire contée.
Qu’il en soit loué.
Sortie : 17 juillet 2019 – Durée : 1h31 – 1h39 –Réal. : Florian Henckel von Donnersmarck – Avec : Tom Schilling, Sebastian Koch, Paula Beer… – Genre : drame – Nationalité : allemande
Les années passent, chargées en drames : la mort de la tante aimée exécutée par les nazis, le bombardement apocalyptique de Dresde, la victoire alliée, la scission de l’Allemagne. Devenu un peintre plein de promesses en RDA, Kurt (Tom Schilling) s’éprend d’Ellie (Paula Beer), ni plus ni moins la fille de l’homme qui a scellé le […]