Par Marc Godin

Sept personnages avec un lourd secret se retrouvent coincés dans un mystérieux motel. Sous influence tarantinienne, un huis-clos stupide et bancal, par le réalisateur de La Cabane dans les bois.

C’est peu dire que j’attendais la sortie de Sale temps à El Royale. Parce que sa bande-annonce, en rotation sur YouTube depuis des mois, était cool, référentielle, pop et donc excitante à souhait. Et surtout parce que le réalisateur, Drew Goddard, est l’exemple même du type à suivre.

Né en 1975, Goddard a commencé comme scénariste. Il a bossé sur certains des meilleurs épisodes de Buffy contre les vampires et Alias. Membre de l’écurie J.J. Abrams, il a signé Cloverfield et bossé sur Lost. Et accessoirement, mis son nom sur les affiches de World War Z ou Seul sur Mars, de Ridley Scott. En 2012, entre deux scénarios, Goddard réalise son premier film, La Cabane dans les bois, une série B démente qui commence comme un petit slasher avec ados dégénérés et créatures infernales, mais qui déraille avec un énorme twist, qui convoque les plus gros monstres de l’histoire du cinéma. Un vrai bijou.

Virtuose mais… vide

Six ans plus tard, Goddard revient avec Sale temps à l’Hôtel El Royale et c’est une… catastrophe. Goddard a dégoté un budget confortable de la Fox, une pléiade de stars (Jeff Bridges, Chris Hemsworth, Jon Hamm, Dakota Johnson), un beau décor, un bon chef op (Seamus McGarvey, Nocturnal Animals), un grand directeur artistique (Martin Whist, Les Aventures désastreuses des orphelins Baudelaire) et malgré le fric et les talents, il se plante lamentablement. Le problème de Goddard, c’est Goddard lui-même car il se retrouve à filmer le pire script de sa carrière, un truc vide, virtuose mais vain, avec flash-backs, chapitrage et références méta, où il singe Tarantino.

Il est donc question d’un motel paumé, à la frontière entre le Nevada et la Californie, sur le lac Tahoe. S’y retrouvent 7 personnages avec un lourd secret dont un curé essoufflé, un VRP d’aspirateurs, un gourou sexy, une starlette tombée en disgrâce, une chanteuse de soul… Tout ce qui va pouvoir mal se passer va gravement dégénérer, d’autant que l’hôtel révèle son lot de vitres sans tain (comme dans La Cabane dans les bois) et de pièces cachées derrière les miroirs …

Drew Goddard a donc écrit un huis-clos (sa spécialité), mais cette fois, il fait dans le Cluedo à la Tarantino. Les personnages palabrent, balancent des kilotonnes de dialogues plus ou moins référentiels, avant de se flinguer.

On se flingue ou on est flingué !

Il y aurait donc un mystère derrière les (faux) murs du El Royale, un hôtel plus qu’inspiré par l’Overlook Hotel de Shining, et le spectateur imagine le pire, à l’instar de l’enfer en labo de La Cabane dans les bois, tente de deviner le twist infernal qui ne va pas tarder à venir… Sauf qu’en fait, non. On se flingue ou on est flingué, le mystère n’existe pas et au bout d’une heure, il n’y a plus de film, alors que la chose dure 2H 21.

Pour masquer le vide, Goddard fait pisser le sang, change d’arc narratif, mélange les époques, et Chris Hemsworth déboule, tel un Charles Manson sexy (oui, oui). A priori, il ne sait pas boutonner sa chemise et va faire frémir de jalousie BHL mais il débite des fadaises incompréhensibles.

Le problème, c’est qu’il incarne un gourou manipulateur et qu’il a le charisme d’un lombric ménopausé, Hemsworth étant un comédien inexpressif qui passe plus de temps à faire de la gonflette et à s’épiler le torse que de bosser avec un coach d’art dramatique. Ayant décroché depuis très longtemps, j’essayais de m’intéresser aux décors rutilants, aux abdos de Hemsworth, aux pirouettes narratives ou à la B.O. pour essayer de lutter contre le sommeil. Rien à faire, Sale temps à l’Hôtel El Royale est un nanar plaqué or, du rien filmé avec brio, un vibrant plaidoyer pour la sieste.

Conclusion, on devrait toujours se méfier d’un mec qui s’appelle Goddard !

Sortie : 7 novembre 2018 – Durée : 2h22 – Réal. : Drew Goddard – Avec : Jeff Bridges, Jon Hamm, Dakota Johnson… – Genre : suspense – Nationalité : américaine

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Tags: drame / jjabrams / polar / ridley scott / suspense