Par Marc Godin

Sur 40 années, les exactions et les manœuvres d’un homme de l’ombre, Dick Cheney, vice-président toxique de George W. Bush. Drôle et insoutenable : le nouveau mètre-étalon du cinéma politique. Avec un Christian Bale impérial.

Il est notre Marlon Brando.
Il est notre Robert De Niro.
Christian Bale est un monstre, une éponge, une ombre. Il n’a pas de corps, juste une enveloppe à géométrie variable. Il joue donc au yoyo avec son poids, perd ou prend 20-30 kilos, devient un cadavre ambulant dans The Machinist, un junkie hystérique dans Fighter, gonfle démesurément pour American Bluff ou Vice, dans lequel on le voit en vieillard bedonnant.

De fait, Christian Bale n’aime rien tant que disparaître… Il a 44 ans, plus de cinquante films au compteur, des bons et de beaucoup moins bons, et tourne depuis l’âge de 13 ans. C’est l’Homme Cinéma…

Son surnom, Darth Vader

Avec Vice, Bale retrouve Adam McKay qui l’avait déjà dirigé dans The Big Short : le Casse du siècle (2015), une comédie zarbi sur la crise des subprimes. Bale était impérial en wizard des algorithmes, gestionnaire de fonds excentrique, amateur de métal et massacreur de batteries.

Dans Vice, il se métamorphose en Dick Cheney, chef de cabinet de Gerald Ford, secrétaire d’Etat à la Défense de Bush père, puis 46e vice-président des USA, entre 2001 et 2009, qui persuada Bush junior, après les attentats du 11 Septembre, d’engager les Etats-Unis sur le sentier de la guerre contre l’Irak, sous prétexte de la prétendue détention d’armes de destruction massive par Saddam Hussein.

L’ordure ultime. Surnommé Darth Vader par George Bush et Hillary Clinton, ce Faucon, agent toxique et meurtrier a changé nos vies à jamais en mettant le feu au Moyen-Orient et soufflant sur les braises du djihadisme, plaçant le monde sous écoute, remettant la torture à la mode, transformant ce siècle en chaos… Un homme « very conservative », comme il se définit lui même.

Bale donne à voir l’âme de Cheney

Encore plus fort, Christian Bale campe Dick Cheney sur une période d’une cinquantaine d’années, de ses années d’étudiant où, petit white trash du Wyoming, il ne faisait rien d’autre que picoler et se battre, à la présidence de George W. Bush où le petit fonctionnaire grisâtre devient le maître des marionnettes et déchaîne l’enfer sur la planète, sans même avoir été élu pour cela.

Dans le film, Bale a un cou de taureau et s’est laissé poussé le bide pour obtenir la silhouette enrobée et bonhomme de Cheney. Il devient Cheney et la ressemblance est hallucinante. Le comédien reproduit la démarche, son débit, son phrasé, les expressions de son modèle, ses silences pseudo inspirés, mais surtout il donne à voir son âme.

Et elle est noire.

« C’était une personnalité très forte, assure Bale incroyablement solide, et d’une certaine manière il a compris, peut-être comme personne d’autre, comment actionner les rouages du gouvernement ». Christian Bale saisit l’essence même de Dick Cheney. Il est faussement terne, tout en rondeur, froid comme une lame de rasoir. Il est le symbole, la figure, le masque même du politique dévoyé, sans conviction (« Nos convictions ? Elle est bonne, elle est vraiment très bonne celle-là »), n’ayant qu’un but : augmenter son pouvoir et tirer les ficelles.

Du vrai, du grand cinéma

Cette performance miraculeuse sert une œuvre supérieurement écrite et réalisée – du vrai, du grand cinéma – un film insupportablement drôle, intelligent, dérangeant. L’histoire est magistralement racontée avec flashbacks, voix-off, un narrateur invisible, des personnages qui s’adressent à la caméra, un humour au vitriol et le film s’apparente à un majeur bien raide dans le rectum de Washington.

Je pense n’avoir jamais vu une satire aussi cruelle et réaliste de la vie politique, mix hilarant entre Robert Altman, l’émission télé Saturday Night Live, la série The West Wing d’Aaron Sorkin et Oliver Stone. Tout y passe : la corruption, l’avidité, les fake news, le cynisme, le détournement du pouvoir pour servir ses intérêts propres, la lutte des classes ou même la théorie du ruissellement…

Le chef-d’œuvre du cinéma politique moderne ?

Récompensé pour sa performance aux Golden Globes, Christian Bale s’est fendu d’un drôlissime « Merci à Satan de m’avoir donné l’inspiration pour jouer ce rôle. »

Pas mieux !

Sortie : 13 février 2019- Durée : 2h12 – Réal. : Adam McCay – Avec : Christian Bale, Amy Adams, Steve Carell… – Genre : biopic – Nationalité : américaine

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