Vincent Macaigne : « Je n’ai pas tellement de souvenirs d’improvisation »

photo de couverture © clhoe carbonel

See Mag a vu En même temps de Gustave Kervern et Benoît Delépine :  l’histoire de deux homme politiques, l’un écolo (Vincent Macaigne), l’autre proche de l’extrême-droite (Jonathan Cohen), qui se retrouvent collés l’un derrière l’autre (restons dans la bienséance) par une activiste féministe. Sortant à quelques jours du 1er tour de l’élection présidentielle (le 6 avril), En même temps est drôle, émouvant et engagé. Rencontre avec Benoît Delépine et un Vincent Macaigne enfin décollé…

Entretien par Grégory Marouzé

Comment vos deux comédiens principaux ont-ils reçu cette idée de malade ? 
Benoît Delépine :  Nous, ça nous a rassuré qu’ils aiment parce que nous-mêmes, on n’était pas sûr de le faire (rires).

Vincent Macaigne : On a lu le scénario. Il était hilarant, et c’est devenu ce film (rires aux éclats). C’était vraiment un honneur. Jonathan et moi étions complètement fans de tous leurs films depuis bien longtemps, c’est un honneur, ça fout le trac. Alors l’idée d’être collés, je crois qu’on n’y fait pas attention. Enfin, on y fait attention, mais on est joyeux et on rigole. Enfin j’espère. 

Benoît Delépine : Mais c’est ça qui est extraordinaire : c’est grâce à eux ! Et puis aussi un peu grâce à notre mise en scène. Mais très vite, on n’y pense plus du tout. Enfin, on est avec eux. Il n’y a rien de glauque, quoi. Le côté un peu glauque, mais voulu, c’est quand ils se retrouvent vraiment tous les deux, c’est trop bon quand tu dis: “Vous m’avez violé ?” Ils ont été archi-partants et enthousiastes. Ils ont levé nos derniers doutes. Ils sont incroyables !

Vous abordez la place de la femme dans la société, l’écologie, l’homophobie… Vous brassez énormément de sujets. Or, vous décidez le jour-même, sur le tournage, comment vous allez filmer. Même si vous avez un scénario écrit, ce n’est pas un peu paniquant ? 
Benoît Delépine : Ça devrait (rires) !!!

Vous êtes comédien, et aussi metteur en scène de théâtre, ce n’est pas inquiétant de vous dire le matin, que vous ne savez pas comment vous allez tourner ? 
Vincent Macaigne : Non, non, ça ne l’est pas. Ce n’est pas du tout la panique. Cela dit, quand on est acteur sur un film, on sait rarement le matin comment les cinéastes vont tourner. Non, non, non. 

Benoît Delépine : Ils avaient bien leur texte. 

Vincent Macaigne : Il faut bien connaître le texte. Ils font très peu de prises. Donc, moi, le premier jour de tournage, je fais une scène avec un acteur qui est génial (la scène n’est plus dans le film). Et du coup, je pensais que ça allait durer toute la matinée. J’arrive à 9h, il fait sa scène, 9h05 c’était fini. Et tout le monde s’en va quoi ! Toute l’équipe s’en va. Un plan, une prise ! Ben écoute, tu te dis “Bon, OK”. (éclats de rires) Ça oscille entre deux ou trois prises. C’est fini, dès qu’ils sont contents. Et, en fait, étrangement, ça met beaucoup de rigueur, ça. Souvent, quand on fait des films, on peut faire beaucoup de prises. Là, on doit comprendre très vite. Il faut quand même y aller ! C’est super !

« On ne fait jamais de répétition, jamais de répétitions, jamais de lectures. Donc, on découvre au dernier moment, on choisit des gens, les ingrédients, les endroits, etc. » 

Benoît Delépine : Faut dire qu’ils sont quand même très bons. Du coup, c’est pareil, ça nous a sécurisés. On s’est dit “On va y arriver !” Mais il nous est déjà arrivé des trucs de fous. On ne fait jamais de répétition, jamais de répétitions, jamais de lectures. Donc, on découvre au dernier moment, on choisit des gens, les ingrédients, les endroits, etc. 

Vous savez que c’est votre film quand même ? 
(Rires de Vincent Macaigne et Benoît Delépine)
Benoît Delépine : Oui, c’est notre film ! On a fait des repérages quand même etc… Et par exemple, il nous est déjà arrivé un truc fou : un acteur, le pauvre, se met en tête de faire sa scène devant nous, pendant le déjeuner. Comme ça, sans rien nous demander. Puis, il dit son texte et s’enflamme. Nous, on le regarde. Je vais aux toilettes, et Gustave aussi. On se dit “Putain, mais il est mauvais ! C’est pas possible ! Qu’est-ce qu’on fait ? Faut qu’on trouve une idée. Il est trop mauvais !” Et donc, on a commandé une collerette pour chiens.

On se dit qu’on lui met une collerette, et puis voilà.  On ne voyait plus sa tête. Comme ça, on pouvait changer sa voix en post-synchro. Et en plus, après, le problème c’est qu’avec la collerette, il jouait hyper bien. Du coup, à la fin du film, on lui a enlevé la collerette, quand même. Mais bon, c’est vrai que ça peut être flippant. Ce n’est pas toujours aussi simple que ça.

Vous n’avez pas eu de chaînes coproductrices, à part Canal+. Pourquoi ? C’était trop politique ? 
Benoît Delépine : Trop politique ? Ben, je ne sais pas. Ils ont eu peur, c’est tout. 

Pourtant, ils vous connaissent. 
Benoît Delépine : Ben oui, justement (rires). Non, mais en fait c’est pas grave. On a réussi à le faire, ça va. 

© clhoe carbonel

Avez-vous l’impression, qu’en tant que metteur en scène, et vous, comme comédien, d’être déjà allés aussi loin dans le burlesque ? 
Vincent Macaigne : Oui, dans le film, il y a beaucoup de burlesque, il y a souvent du burlesque quand même, dans leur cinéma. 

Benoît Delépine : Mais moi j’adore les débuts du cinéma.  J’ai revu Freaks (ndr: de Tod Browning) dernièrement. Bon, ce n’est pas du burlesque… Ça date de 1932 et c’est du génie, c’est du génie, quoi ! C’est encore hyper fort, actuel ! C’est complètement fou ! Quand on a réalisé I Feel Good (on n’avait pas fini notre montage, et on voulait le tester dans une salle), on est allé dans la salle personnelle de Claude Lelouch. Il y avait des gens qui étaient là, comme Jean Dujardin. Comme Claude Lelouch était resté là, puisqu’il est le patron de la salle. Et à la fin, il nous avait dit “Franchement, ça me fait vraiment penser au début du burlesque.”  C’est l’un des plus beaux compliments qu’on nous ait faits. Ça nous a vraiment fait plaisir parce que faire ce type de burlesque, ce néo burlesque, on va dire, on aime beaucoup. 

« Tout est écrit ! Il n’y a pas tant d’impro que ça. Peut-être que Jonathan improvise plus. Mais pas tant que ça, non, même pas. »

En même temps est drôle, mais vous allez aussi dans l’émotion, au moment où on ne s’y attend pas. Quand le personnage de Jonathan Cohen parle de sa femme, et de sa trahison envers elle, c’est vraiment émouvant. Cette scène que vous jouez avec Jonathan Cohen, était-elle écrite ? 
Vincent Macaigne : Tout est écrit ! Il n’y a pas tant d’impro que ça. Peut-être que Jonathan improvise plus. Mais pas tant que ça, non, même pas. 

Benoît Delépine : Tous les deux, vous avez trouvé des petites choses à droite, à gauche, mais pas tant que ça.  

Vincent Macaigne : Je n’ai pas tellement de souvenirs d’improvisation, globalement. 

Benoît Delépine : C’était un scénario archi-écrit. Le monologue de Jonathan Cohen est magnifique. Tout d’un coup, il se livre complètement. Son jeu nous a stupéfaits. 

Vincent Macaigne : Si on essayait d’improviser, ce n’était pas forcément efficace. Le texte, à la lecture, était efficace. Il y a des films, on se dit “tiens, faut improviser”. Mais là, sincèrement, il n’y avait pas vraiment de raison. Le scénario était hilarant. Enfin, il marchait, était touchant, intelligent, tout était déjà écrit, vraiment ! Vous n’arriverez pas à trouver de scène, même en grattant. “Êtes-vous sûr que vous n’avez pas un peu improvisé, là ?” (rires) “Vous n’allez pas me dire que c’est écrit, quand même ?” (rires) Je plaisante !

Comment trouvez-vous l’équilibre entre le rire et l’émotion ? 
Vincent Macaigne : Je trouve qu’au cinéma, on accorde beaucoup trop de choses aux acteurs. Il faut quand même bien connaître son texte, bien le jouer, mais un film, c’est aussi le montage, les plans, le rythme. Et quand on parle de rythme, c’est aussi un rythme qui est induit par la mise en scène. C’est quand même une chance énorme pour nous, de pouvoir faire un film où tout n’est pas sécurisé. Ce qui décrit le mieux, pour moi, le cinéma de Delépine et Kervern, c’est que tout n’est pas sécurisé. Quand on commence, on n’arrive pas avec plein d’airbags partout. Ça veut dire que les scènes ne sont pas couvertes.  

Benoît Delépine : Tout le monde se sécurise avec deux, quatre caméras ; champ, contre-champ, plan général, etc… Nous, non ! On a déjà notre idée de plan, on s’y tient !  

Vincent Macaigne : Gustave et Benoît ne se couvrent pas. 

Benoît Delépine : Il faut réussir, mais ce n’est pas toujours évident. Mais, en tout cas, dès qu’on est content, on passe à autre chose. Il y a quand même aussi un élément important dans tout ça, et on ne peut pas l’oublier : c’est tout simplement le sens de l’humour! Quand on a des acteurs qui ont vraiment le sens de l’humour, et le sens du rythme comme eux… ils ont appris, ils ont intégré le texte. Ils riaient aux mêmes endroits que nous. Quand il y avait un effet comique potentiel dans une phrase, ils l’avaient compris ! Donc, ils ne gâchent pas ce qu’on a écrit. C’est toujours bien amené. Il n’y a pas de ratage. 

 

Synopsis : A la veille d’un vote pour entériner la construction d’un parc de loisirs à la place d’une forêt primaire, un maire de droite décomplexée (Jonathan Cohen) essaye de corrompre son confrère écologiste (Vincent Macaigne). Mais ils se font piéger par un groupe de jeunes activistes féministes qui réussit à les coller ensemble. Une folle nuit commence alors pour les deux hommes, unis contre leur gré.

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