Soko : «  Le rôle d’Augustine m’a tellement marqué que j’ai dû retourner voir un psy »

La chanteuse boudeuse ne fredonne pas de ballades tristes dans Augustine d’Alice Winocour. Elle y crie au contraire très fort. Et crève l’écran dans le rôle d’une domestique soumise aux expériences d’un précurseur de la psychiatrie. SPEAK.

Propos recueillis par Fabien Baumann

La plupart des fans de la chanteuse Soko ignorent qu’elle est aussi comédienne. Pourquoi ton propre site Internet ne le mentionne-t-il pas ?
Parce que je ne me sens pas vraiment actrice. 

Mais tu tournes depuis dix ans et a même été nommée au César pour А l’origine de Xavier Giannoli, avec François Cluzet, il y a deux ans…
Une nomination, ça passe en deux secondes. Ma vraie vie, c’est d’écrire des chansons qui sont des confessions, de réaliser des clips et de partir à l’aventure. Si je fais un film tous les deux ans, c’est pour ne pas me sentir moi-même.

Comment se prépare-t-on à un rôle si différent de soi ?
Alice Winocour, la réalisatrice, me l’a interdit. Parce que mon personnage lui-même n’a aucune idée de ce qui lui arrive. Malgré le corset que je portais dix heures par jour, je ne vois pas Augustine comme une reconstitution mais comme un film fantastique sadomaso sur un médecin et sa patiente !

J’ai perdu mon père à cinq ans, alors… Je tapais du pied dans le bureau du psy, je devais dessiner, et lui me demandait pourquoi je ne servais jamais des crayons de couleur.

Comment t’es-tu lancée dans les scènes d’hystérie ?
C’était Koh-Lanta. Le soir, j’avais des bleus partout. Ces scènes étaient hyper chorégraphiées, certaines très sexuelles, d’autres démonstratives ou violentes. Dans l’une, Alice m’a dit : « Tu es violée par derrière par un amant imaginaire ! » Va jouer ça… J’étais épuisée, mais j’adorais. Je voulais toujours tourner d’autres prises. 

Lors de la dernière, tu dois jouer le fait qu’Augustine joue la comédie. Comment es-tu parvenue à cet effet de miroir ?
Elle ne quitte pas Charcot des yeux pour lui montrer son pouvoir sur lui. Elle pourrait le bousiller à la kalachnikov, mais elle décide d’être la fille la plus sexy du monde, juste pour lui, pour lui sauver sa carrière. Les vraies hystériques, d’ailleurs, adoraient être regardées, devenir le petit rat préféré du labo.

Tu as donc déjà fréquenté les psys ?
J’ai perdu mon père à cinq ans, alors… Je tapais du pied dans le bureau du psy, je devais dessiner, et lui me demandait pourquoi je ne servais jamais des crayons de couleur. Houlà, je n’y avais plus pensé depuis des années… Merci pour la question !

J’étais devenues hyper vulnérable, sensible, un peu malade, gnangnan… Là, je devais jouer quelqu’un qui s’en sort et surmonter le traumatisme physique.

Dans le genre indiscret, en voici une autre : pas trop dur de jouer une scène de sexe avec un vieux croûton comme Vincent Lindon ?
Vincent a déjà dû en tourner moult et moult fois dans sa carrière… Il m’a dit qu’il était aussi nerveux que moi. Le moment venu, je n’avais pas l’impression qu’on filmait une scène d’amour. Les gestes étaient dénaturés de leur sens. En plus, j’avais déjà passé tout une journée à poil devant lui et l’équipe, avec cette grosse prothèse de fausse chatte, si tu te rappelles la scène…

Très bien ! Mais tu gardes un bon souvenir du tournage ?
Plus que ça. J’ai grandi comme une folle. Alice me disait : « Mais qu’est-ce qui t’est arrivé dans ta vie ? À seize ans, tu es partie toute seule à Paris vivre ta vie, et maintenant tu as peur de tout, tu pleures dès qu’on te dit quelque chose… » J’étais devenues hyper vulnérable, sensible, un peu malade, gnangnan… Là, je devais jouer quelqu’un qui s’en sort et surmonter le traumatisme physique. Parce que quand tu rentres chez toi après t’être rouée le ventre de coups toute la journée, t’être cognée la tête contre le sol, ton corps en garde une empreinte.

Le rôle t’a malgré tout endurcie ?
Oui, même si j’ai fait une dépression de dingue après. Comme Augustine, j’avais des crises de panique, je pleurais, je n’arrivais plus à parler ou à respirer dès que je ne me sentais pas à l’aise. Et j’ai dû retourner chez le psy… Faut dire que j’ai enchaîné avec deux mois de promo pour mon disque et que je n’aurais pas dû. Mais, maintenant, ça va mieux.   

A Los Angeles, les loyers sont cheap : une maison avec un jardin, des avocatiers, un hamac ne coûte pas grand-chose.

Quelles actrices t’inspirent ?
Sean Penn ! Chez les mecs, ça envoie un peu plus… J’aime aussi Adjani dans Camille Claudel. J’ai l’impression d’une projection de moi en artiste maudite, vieille et seule avec mes chats.

En attendant, pourquoi vivre dans une ville aussi sinistre que Los Angeles ?
Pour moi, là-bas, c’est un grand ciel bleu infini tous les jours. L’océan, la montagne, le désert sont juste à côté. Et les loyers sont cheap : une maison avec un jardin, des avocatiers, un hamac ne coûte pas grand-chose.

Et la piscine ?
Non, pas de piscine ! Mon quartier, c’est Echo Park, à l’est, plus le repaire des jeunes cool et branchés que des actrices aux seins refaits.

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