Kad & O : « Ce qui nous lie, c’est la déconne ! »

Ils devraient se détester, dauber l’un sur l’autre, se nuire… Mais rien n’y fait. Malgré les succès de Kad Merad comme acteur, malgré la carrière plus portée vers la réalisation d’Olivier Baroux, et le carton des Tuche,  le duo reste inébranlable. Dix ans après Mais qui a tué Pamela Rose ?, ils avaient co-signé et co-interprèté le fort réjouissant Mais qui a re-tué Pamela Rose ?. Ils avaient donc co-répondu à toutes nos questions. Magnéto !

Propos recueillis par Fabien Baumann

Rendez-vous a été donné chez Kad lui-même, dans le très cossu septième arrondissement parisien. On appuie sur le petit bouton au pied de l’immeuble. « C’est au dix-huitième, sans ascenseur », nous assure la voix à l’interphone. En haut (en fait, au premier étage), Kad nous accueille en nous chambrant : « Alors, c’est vous, les fous qui lancez un nouveau magazine de cinéma ? » Olivier feuillette le n°1 de See version print tandis que Kad nous propose un café. On accepte… Nouvelle saillie pince-sans-rire : « Je vous préviens, c’est 2,50 €! ». À l’inverse de ces humoristes sinistres dès qu’ils descendent de scène pour bien montrer combien ils sont tourmentés à l’intérieur, Kad et Olivier ont l’exquise politesse d’enchaîner les plaisanteries. Le journaliste d’un de nos concurrents qui les a interviewés juste avant nous a d’ailleurs l’air si ravi qu’il reste incrusté dans le canapé. « Monsieur, il faut partir maintenant… » lui lance Kad sur le ton exact du chauffeur de tramway en fin de service qui secoue un pépé endormi sur la banquette. On se dit qu’on ne va pas s’ennuyer…

Qui a eu l’idée de relancer un nouveau Pamela Rose, dix ans après le premier film ?
Olivier Baroux.
Ça vient de nous, pas du plan marketing d’un producteur. 
Kad Merad.
Mais en fait, on ne sait plus très bien comment le truc s’est goupillé ! Je crois que la proposition a surgi au baptême de mon fils. Tous mes potes étaient invités : Olivier, bien sûr, mais aussi Julien Rappeneau, le coscénariste de Mais qui a tué Pamela Rose ?, Un ticket pour l’espace et RTT, et notre producteur historique Cyril Colbeau-Justin. D’après lui, ce serait moi qui aurais lancé l’idée.
O. Après, Gaumont a dit O.K., puis TF1. Et l’envie de tourner ce film s’est vraiment précisée.

Vous imaginiez déjà cette suite il y a dix ans ?
Kad.
Certainement pas ! Pour une bonne raison : on n’aurait jamais pensé que quelqu’un se souviendrait longtemps encore de Pamela Rose.
O. …Alors qu’avec le Kamoulox, ce sont les sketchs et le film dont on nous parle le plus aujourd’hui. Et pas que des vieux fans : des gamins de 20 ans qui ont les DVD ou ont réussi à tout télécharger sur le net. Et puis, on est bien aidés par la télévision qui repasse méthodiquement Mais qui a tué Pamela Rose ? tous les ans et demi. Après, ce qui nous a bien plu dans l’idée, c’est son côté pathétique. Bullit et Riper ont pris dix années dans la gueule et sont devenus de purs has been. Lorsqu’on retrouve Douglas, mon personnage, il est triste, mou et sa vie est sur une voie de garage. Son collègue lui manque.
Kad. Mon personnage, lui, vit dans une banlieue idéale pleine de gens qui s’appellent Bill. Il a l’air plus heureux que Riper, mais il est quand même à côté de ses pompes. Il tente d’ailleurs de se suicider avec des gambas !

Vous aussi, messieurs, vous avez pris quelques années…
Kad.
…ce qui apporte du vécu à nos personnages, à notre façon de marcher par exemple, mais aussi à la manière dont nous avons pu aborder le milieu des inspecteurs du FBI.

« On adorerait être de vieux punks drogués, mais rien à faire, on n’y arrive pas. »

Comment s’écrit le scénario d’un film aussi délirant ?
Kad. On y a passé un an et demi, à raison de séances régulières de quatre heures avec Olivier et Julien Rappeneau. Julien a un cahier, note tout, et c’est lui qui remet en ordre les milliards d’idées qui fusent. On mime des gags, on déconne, on élimine, on garde… Mais, non, on ne se drogue pas. On adorerait être de vieux punks drogués, mais rien à faire, on n’y arrive pas.
O. On mange juste beaucoup de mandarines. Des mandarines OGM, c’est sûr.
Kad. Et ça fonctionne comme ça depuis vingt ans…

Il y a vingt ans, justement, pensiez-vous que le cinéma vous consacrerait ?
O.
Lorsqu’on s’est rencontrés à la radio sur l’antenne parisienne Ouï FM, le cinéma était déjà présent dans notre humour. On n’arrêtait pas d’inventer de fausses bandes-annonces, des parodies de films. Pour arriver au vrai cinéma, il a fallu croiser Jean-Luc Delarue, Dominique Farrugia, faire La Grosse Émission sur Comédie, réaliser pour la chaîne un 52 minutes de Pamela Rose, mais, pour être franc, l’envie de cinoche, oui, on l’avait dès le départ.
Kad. Tu te souviens, Olivier, quand on y rêvait dans les bureaux de Ouï FM, rue Beaubourg ? La vache…

Vous rappelez-vous votre première rencontre avec la machinerie du cinéma et notamment la mythique caméra 35mm ?
O. J’en ai pris conscience sur le plateau de Mais qui a tué Pamela Rose ?
Kad. Moi, ce serait plutôt quand j’ai joué dans Les Choristes. Je suis arrivé avec toute ma déconne de Comédie. Je ne m’arrêtais pas… Allez, vas-y Totoche ! C’est Jugnot qui m’a dit de me calmer, de penser à la situation qu’on jouait. Moi, je ne fonctionnais que dans l’instant, sans chercher à construire un personnage. Je peux vous dire qu’après ma première séquence, toute l’équipe du film a eu vraiment peur… Grâce à Jugnot, je suis passé du mode du sketch, de la connerie instantanée, au monde plus lent du cinéma.
O. En télévision, tu ne penses qu’au gag, sans jamais te préoccuper de savoir si tu vas filmer en plan large, moyen ou serré. Alors qu’au cinéma, tout commence par là.

« Notre nom, notre duo n’est pas né d’un plan commercial. Ce qui nous lie, c’est la déconne ! Et elle nous liera toujours. »

Pourquoi, au cinéma, menez-vous des carrières aussi dissemblables ?
Kad.
On est un duo, mais autrement. Bien sûr, on ne joue pas toujours ensemble, mais… j’exige quand même d’apparaître dans tous les films d’Olivier.
O. Exact ! J’ai même dû lui donner un petit rôle dans Les Tuche.
Kad. On ne perd jamais de vue que si l’on est là où l’on est, c’est grâce au duo Kad & O. Lorsque j’ai reçu le César du meilleur second rôle en 2007 pour Je vais bien, ne t’en fais pas, la première personne que j’aie saluée, c’est Olivier. Même si c’est Jean-Luc Delarue qui nous a trouvé notre nom, notre duo n’est pas né d’un plan commercial. Ce qui nous lie, c’est la déconne ! Et elle nous liera toujours.

Vous restez en permanence en contact l’un avec l’autre ?
O.
Il n’y a pas une semaine où l’on ne s’appelle pas…
Kad. …Même si c’est juste pour se dire des conneries. À une époque, on pratiquait beaucoup le message délirant sur répondeur. Heureusement, maintenant, il y a des limiteurs sur les messageries.

Sur un plateau comme celui de Mais qui a re-tué Pamela Rose ?, reste-t-il de la place pour l’improvisation ?
O.
J’adore l’inventivité des acteurs. Prenez la scène avec la Présidente des États-Unis dans l’avion, les gags avec la virgule ou les tétons… Ils n’ont jamais été écrits à l’avance. Le « gnagnagnagnagna » aussi, est improvisé. Ou encore la porte qui grince… Dans une comédie, l’avantage qu’on a en tournant en numérique, c’est qu’il n’y a pas de coitus interruptus pour recharger la caméra.
Kad. Certains gags sont écrits à l’avance, d’autres naissent en répétant. Quand ils sont fixés, on tourne.

« Faire rouler une Fuego aux couleurs du FBI dans les rues de Washington était un rêve. Et on l’a fait en vrai ! On n’a même pas eu besoin d’importer la voiture de France parce que, là-bas, il existe des fans clubs de la Fuego ! »

Dans un duo, comment dire à l’autre qu’il n’est pas drôle ?
O.
On ne dit jamais, justement : « Tu n’es pas drôle. » On dit : « Ça ne marche pas. »

Quand vous n’êtes pas d’accord, qui gagne ?
O.
Celui qui aura le plus d’arguments pour faire plier l’autre. À l’usure. Et puis parce que, s’il n’a plus d’arguments, c’est bien qu’il a raison.

Vous êtes-vous déjà fâchés ?
O.
Oui, à l’époque de la radio, je crois, pour des trucs de gamin. Ça a duré vingt-quatre heures. Mais c’est moi qui avais raison !

Sur Pamela, il n’y a pas eu de débat entre vous autour de la Renault Fuego ?
Kad.
Faire rouler une Fuego aux couleurs du FBI dans les rues de Washington était un rêve. Et on l’a fait en vrai ! On n’a même pas eu besoin d’importer la voiture de France parce que, là-bas, il existe des fans clubs de la Fuego ! Dans les années 80, 20 000 exemplaires ont été fabriqués aux États-Unis. Des gens sont même venus nous voir sur le tournage avec la leur. Je ne plaisante pas ! Ça m’a tué !
O. C’était quand même la voiture de l’année 1982 en France ! Et puis, pour avoir pas mal passé de temps dedans et roulé avec, c’est vrai que c’est une bonne bagnole ! Au départ, on l’a imposée comme une référence à la Peugeot de Columbo. Mais, au fil du temps, on est passé de la moquerie à l’amour.

« On savait qu’Audrey avait joué à la télévision dans Kaamelott et dans Engrenages. On lui a fait passer des essais pour le rôle de l’épouse. Elle est repartie dans le tailleur de la présidente. »

Était-ce compliqué de filmer les extérieurs aux États-Unis ?
Kad. Tourner à Washington n’a pas toujours été simple. Là-bas, tout le monde est surveillé, filmé, observé. Au départ, on avait prévu des plans en hélicoptère, mais on nous a retiré les autorisations au dernier moment. Kadhafi venait d’être tué et les autorités se méfiaient de tout ce qui pouvait voler. En revanche, on a pu tourner devant la Maison Blanche. Du coup, on l’a quasiment mise dans tous les plans, même quand ce n’est pas logique. Champ ou contrechamp, elle est partout ! Ce n’est pas un faux raccord, mais un principe qui nous fait rire. Dans le film, il y a pas mal de détails comme celui-là, que les gens ne verront pas forcément tout de suite.

Le voyage à travers la France, lui, a bien été tourné chez nous ?
Kad.
Oui, mais c’est une France vue par les Américains. D’où l’accordéoniste que l’on voit dans tous les plans… On a joué sur tous les clichés, comme dans Armageddon. Juste avant que la météorite arrive, il y avait des vues de Paris avec une 2 CV, la tour Eiffel, un accordéoniste à béret et pull rayé…

Comment avez-vous choisi Audrey Fleurot pour jouer la présidente ?
O.
Par notre premier assistant. Au départ, on était plutôt partis, on peut bien le dire, sur une actrice plus connue. On savait qu’Audrey avait joué à la télévision dans Kaamelott et dans Engrenages. On lui a fait passer des essais pour le rôle de l’épouse. Elle est repartie dans le tailleur de la présidente. Intouchables, dans lequel elle joue le rôle de l’assistante lesbienne de François Cluzet, n’était pas encore sorti.
Kad. Et c’est pour ça qu’on a pu s’offrir Omar ! Il a été payé comme les autres acteurs…
O. S’il avait signé son contrat après le succès d’Intouchables, je suis sûr qu’Omar serait venu quand même au même tarif.
Kad. En plus, rien ne nous fait plus plaisir que son succès. C’est super qu’une comédie avec un acteur noir soit ainsi récompensée. Ça va de l’avant.
Kad. Comme Dujardin, d’ailleurs. Quel parcours ! Normalement, après Un gars, une fille, tu es mort pour le cinéma, et lui a prouvé l’inverse. Alors, tout est permis. Eh, si ça se trouve, Pamela Rose lui succédera aux Oscars !
O. Je me permettrais quand même d’en douter. Tout ce qu’on fait subir à l’hymne américain, ça ne passera pas là-bas… Il y a aussi le problème de la voix-off en chinois !

Quelles sont vos grandes références comiques ?
O.
« On est fans de films et de comédiens qui ne marchent pas trop ici : Adam Sandler, Steve Carell ou The Dictator avec Sacha Baron Cohen. La scène des mains dans le vagin est exceptionnelle. Il y va, le mec ! »

En projection de presse, il est rare d’entendre autant de rires…
Kad.
C’est vrai, ça riait ? Cool ! Faut dire que le film est drôle, tout de même !
O.
Pour reparler du scénario, on trouve que les comédies s’embêtent souvent à partir sur des structures compliquées parce que ce sont précisément des comédies. Nous avons choisi l’option inverse : un truc simple et linéaire, à la 24 heures, qui permet d’empiler les gags.

Quelles sont vos grandes références comiques ?
O.
On est fans de films et de comédiens qui ne marchent pas trop ici : Adam Sandler, Steve Carell ou The Dictator avec Sacha Baron Cohen. La scène des mains dans le vagin est exceptionnelle. Il y va, le mec !
Kad.
J’ai revu la semaine dernière avec mon fils Docteur Jerry et Mister Love (1963) de Jerry Lewis. Formidable ! Ou la série des Panthère rose… Comme références, on a aussi bien l’autre Dictateur (de Chaplin) que Very Bad Trip
O. …ou que Frangins malgré eux, avec Will Ferrell et John C. Reilly.

Pas de modèles français ?
O.
De Funès, évidemment. Quel travail ! Dans Le Petit Baigneur (1968) de Robert Dhéry, il y a une scène où il débouche des tubes en carton qui font « pop ». Ça n’a aucun sens, mais il arrive à faire trente secondes avec.
Kad.
Moi, j’enquille en ce moment les Fantômas. Plus on dissèque les scènes, plus on voit son génie.

Et à la télévision ?
O.
Actuellement, la télé française fait du mal à l’humour. En dehors de Groland, il n’y a plus rien. Quand je vois que les maîtres de l’humour à la télé aujourd’hui, ce sont Ruquier et Roumanoff… Où on va, là ?
Kad. À l’époque de Samedi soir en direct (sur Canal+, de septembre 2003 à janvier 2004), on avait bien essayé de s’inspirer du mythique Saturday Night Live des Américains. Un jour, j’ai demandé au réalisateur pourquoi nous n’étions pas aussi drôles qu’eux. Il m’a répondu qu’on n’avait tout simplement pas assez de moyens. Cela dit, le sketch de la partouze avec Valérie Lemercier reste un tube, paraît-il… Oh, excusez-nous, on vient de recevoir l’affiche de Mais qui a re-tué Pamela Rose ? par mail. On va la regarder, si vous voulez bien. Eh, eh, à part l’avion, là en haut, c’est pas mal, non ?

« J’espère qu’on sera cultes une fois décédés. Mais on ne sait pas à l’avance si nos enfants seront fiers de nous ou s’ils devront se cacher. »

Si le film marche autant qu’Intouchables, vous allez vous exiler à Los Angeles comme Omar ?
O.
Plutôt à Argelès-sur-Mer, dans les Pyrénées-Orientales…  Plus original. En tout cas, Omar a eu raison de partir là-bas. Ça va lui permettre de redescendre tranquillement. Comme Kad à la sortie de Bienvenue chez les Ch’tis… On était en Afrique du Sud, sur le tournage de Safari. À chaque coup de fil, on lui annonçait le nombre d’entrées : 3 millions, 4 millions…
Kad. Quand j’ai besoin de décompresser, je vais dans la maison que j’ai achetée du côté de Marseille. Le succès, je m’y attendais. J’avais tout prévu !

À votre avis, où en sera l’autre membre de votre duo dans dix ans ?
O.
Kad aura tourné 75 films de plus. Et moi j’en aurai réalisé dix.
Kad. J’espère qu’on sera encore en train de préparer un spectacle ou un film ensemble.
O. Pamela Rose 3 : FBI, faut arrêter les gars.
Kad. Ou peut-être qu’on sera morts…
O. Ou ringards…
Kad. J’espère qu’on sera cultes une fois décédés. Mais on ne sait pas à l’avance si nos enfants seront fiers de nous ou s’ils devront se cacher.

Ils veulent succéder à leur papa ?
Kad.
Pour l’instant, mon fils envisage plutôt des professions comme vulcanologue ou agent secret…
O.
Ma fille, qui est plus âgée, prend des cours de théâtre et fait de l’assistanat. Mais on ne les poussera pas forcément dans cette voie. De toute façon, faut pas vous inquiéter pour eux. Ils vivront d’amour, d’eau fraîche… et de nos droits d’auteur.

Quels sont vos projets dans l’immédiat ?
O. Kad va ouvrir une clinique dentaire. Vous ne saviez pas ?

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