Jean Reno : « Internet, un espace de liberté ? Mon cul ! »

Cet été, il était la voix de Mufasa dans la dernière version du Roi Lion, dans Cold Blood Legacy – La Mémoire du sang, il y campait un tueur à gages traqué dans le Grand Nord américain. A 70 ans, Jean Reno a toujours le flingue à la main et la langue bien pendue. Entretien.

Par Pierre Blast

Dans votre dernier film, vous incarnez un tueur à gages. Toujours le goût de l’action ?
Oui, ça m’amuse. Vous jouez avec un revolver. Au début, c’est assez excitant, parce que c’est un objet interdit. Et puis, comme pour tout, ça finit par devenir mécanique. Mais j’étais déjà bon tireur à l’armée.

Plus de 80 longs-métrages au compteur. Qu’est-ce qui vous donne encore envie de retourner sur les plateaux de cinéma ?
Un scénario, une rencontre, le désir d’une aventure qui se construit en groupe… Évidemment, aujourd’hui, je pourrais rester à la maison. Mais, c’est impossible pour moi. J’ai toujours faim de nouveaux univers. Mais, attention, je ne m’appelle pas non plus Tom Cruise. Il est difficile de faire des entrées sur un seul nom de nos jours…

« Être français, c’est aussi gueuler, se contredire, râler, aller chercher le petit détail qui fâche, surtout chez le voisin. Moi, ce pays, je l’aime bien. »

Mais avec Marion Cotillard, vous êtes probablement le comédien français le plus connu à l’international…
J’aime l’idée que j’ai fait quelque chose pour mon pays. J’ai été sous les drapeaux en Allemagne déjà, dans les commandos. Vous imaginez : né à Casablanca de parents espagnols, je me retrouve appelé français en Allemagne ! Et puis, j’essaye d’amener aussi un peu de culture française à l’étranger, de mettre un peu de moutarde dans leur ketchup… C’est une bagarre au quotidien. Être français, c’est aussi gueuler, se contredire, râler, aller chercher le petit détail qui fâche, surtout chez le voisin. Moi, ce pays, je l’aime bien.

Vous rappelez-vous de votre arrivée en France ?
Ah la vache, ouais ! C’était en 1968, pour mes études à Montpellier. Je suis parti en bateau. J’ai débarqué à Marseille : le drapeau noir flottait sur la Gare Saint-Charles. J’ai rattrapé mon déficit culturel en un rien de temps.

Mettez-vous un point d’honneur à ne pas tenir certains types de rôle ?
Hors de question de me forger une image de « type-bien-qui-fait-des héros-vachement-bien ». Mais je refuse également de faire des films que je ne voudrais pas montrer à mes enfants. Les rôles de gros dégueulasses, non merci ! Le rôle du Français qui donnait une famille juive dans Inglourious Basterds, ça ne m’intéressait pas du tout. Trop manichéen. J’ai dit non. Mais, il n’y a aucun orgueil à en tirer : Tarantino avait proposé le rôle à la moitié de Paris.

Vous avez six enfants issus de trois mariages. Quel type de père êtes-vous ?
Le plus présent possible. Pour moi, c’est très important. Je voyage avec mes enfants dès que j’en ai l’occasion. J’ai freiné ma passion pour les belles voitures et je ne me promène pas avec de l’or autour du cou, donc, je dépense pas mal en billets d’avion. Il arrive que certains de mes tournages, nous les passions aussi ensemble.

Trois mariages ? Est-ce un tue-l’amour d’être comédien ?
Disons que je me suis trompé. Enfin, nous nous sommes trompés tous les deux. On se rencontre, on se marie et puis on réalise qu’on ne prend pas le même chemin. Mais mes ex-femmes ne sont jamais très loin parce que les enfants sont là.

Qu’est-ce qui met encore en rogne « Leon The Professional » ?
Le mensonge, les idées reçues, rabâcher ce qui vous avez entendu à la télévision…. Et les appels à la haine qu’on peut voir proliférer sur le net. Internet, un espace de liberté ? Mon cul !

Quelles sont vos relations aujourd’hui avec Luc Besson ?
Luc est un homme très occupé. Nous rapports se font en morse : un coup, c’est long, un coup, c’est court. Mais le contact est toujours là.

« Les acteurs sont tous assez égocentriques ! »

Qui compose la « tribu » Jean Reno ?
Beaucoup de musiciens, car j’adore la musique. Et très peu d’acteurs : ils tous sont assez égocentriques !

Vous tournez encore souvent pour les Américains (The Last Face, La Promesse…). Quelle place occupez-vous chez eux ?
Je fais toujours partie du paysage. Je vote même aux Oscars. Il y a une manière de fonctionner qui assume son côté industrie. Mais bon, un film comme Avatar, ça reste l’idée d’un seul mec. Une idée de fou furieux, même si ça a coûté 300 millions, faut tout de même le faire ! En France, c’est plus un art, on parle d’œuvre. Je ne pense pas dire de bêtise en considérant le cinéma américain comme une industrie qui s’adresse au monde entier. Alors, pas question d’arriver là-bas et de dicter ma loi. Je me suis adapté. Ce genre de mésaventures, c’est arrivé à des réalisateurs très bien qui, à Hollywood, ont pris une porte dans la gueule et sont rentrés chez eux. Je m’en suis pris pas mal aussi mais pas de la même manière. Je n’avais pas de scénario à défendre en arrivant là-bas. C’était plutôt : « On ne veut pas de vous. Bye ! » J’étais habitué : j’avais déjà vécu ça en France.

Quel est votre état d’esprit aujourd’hui ?
Ce qui m’angoisse, c’est de vieillir. Tu crois que ton corps est toujours comme tu l’as pensé, toujours alerte comme ton cerveau. Mais, ce n’est plus vrai. Que mon corps ne fasse plus ce qu’il faisait avant, ça, cela me gêne. Quand tu te dis pendant un tournage : « Cette scène, ce n’est plus pour moi. » Ou quand ton assureur t’annonce : « Là, c’est interdit pour vous ! »

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