Zombie Confidential !

Article publié le 27 mars 2019 et modifié le 26 février 2021

Oubliez La Nuit des morts-vivantsL’Armée des morts, 28 Jours plus tard ou encore World War Z. Alors que Army of the Dead de Zack Snyder s’apprête à débarquer sur Netflix, SEE a exhumé de sa crypte quelques oubliés du cinéma d’outre-tombe. Prenez et mangez-en tous.

Par Ricky Benaudais

 

L’Invasion des morts-vivants (1966)

Sortie de son triptyque à succès Frankenstein/Dracula/La Momie, il fallait bien que la fabuleuse Hammer se frotte aux revenants. Ce fut fait et pour une seule fois en 1966 avec L’Invasion des morts-vivants (The Plague of the Zombies) et son atmosphère d’époque ; les studios y étant toujours plus adroit que dans le récit contemporain (voir le paresseusement pop Dracula 73). Dans le même château que celui du Cauchemar de Dracula, le beau bizarre Lord Hamilton (John Carson), revenu des îles, fait revivre les morts dans un village de Cornouailles lors de messes noires teintées de rouge sang.

Pas moins doué que l’esthète Terence Fisher, le réalisateur John Gilling réussit le tour de force, pour un budget toujours restreint, d’intriguer et d’effrayer à la fois – remplissant au cordeau le cahier des charges Hammer. Le maquillage des zombies est surprenant de qualité pour l’époque et la vision d’une nymphette zombifiée particulièrement dérangeante. Du beau travail, gothique, applaudi à l’époque, et sorti deux ans avant la « révolution » La Nuit des morts-vivants. Mais les Anglais avaient (encore) tiré les premiers…

Le Massacre des Morts-vivants (1974)

D’un physique des plus avantageux, le blondinet Ray Lovelock avait les atouts pour jouer les preux chevaliers dans l’Italie corrompue moderne. Au début des années 70, il devient ainsi une figure récurrente des néo-polars nationaux, pas si mal troussés que ça (Squadra Volante, Rome Violente), ce qui ne lui empêchera pas une surprenante incursion dans le film de zombies en 1974. Le petit bijou s’intitule Le Massacre des morts-vivants, est tourné en Grande-Bretagne, produit par les Italiens et réalisé par un Espagnol, Jorge Grau. Un antiquaire beau mec (Lovelock donc), en vadrouille dans la campagne anglaise, se fait esquinter sa moto par une rouquine qui lui propose de poursuivre le voyage dans sa propre voiture. Puis ils tombent sur des chercheurs qui expérimentent une méthode « radioactive » afin d’éradiquer les pucerons dans les champs.

En fait, elle réveille surtout les morts – très affamés – des environs ! Surfant sur le même thème que Les Raisins de la mort (quoiqu’en beaucoup mieux, cocori…zut !), le film aux aspirations écolo est une course-poursuite désespérée entre les deux personnages principaux et des hordes grandissantes de morts-vivants. Sombre, sa photographie particulièrement soignée, aussi crédible que scabreux dans l’horreur, cette pépite crée encore la surprise 45 ans après sa sortie. Et les zombies aux yeux rouges et noirs, SEE parie son kilo de barbaque que Danny Boyle a chipé là l’idée pour son 28 jours plus tard !

Les Raisins de la mort (1978)

Avant de verser dans l’horreur, la délicieuse Marie-George Pascal tourna des cochoncetés aimables – le culte Bananes mécaniques de Jean-François Davy -, pour finir dans le théâtre de boulevard avant son suicide, en bonne et due forme, à l’âge de 39 ans. Ici tyrannisée par une meute de zombies en rade dans les Cévennes, la comédienne n’en est pas moins convaincante. Oui, Les Raisins de la mort est un film fauché. Oui, il est très approximativement interprété. Oui, encore, ses effets-spéciaux, bien crapoteux, semblent tout droit sortir du plus amateur des studios de ciné béninois et, qui plus est, d’avant la découverte de la quinine. Mais il s’en dégage une énergie, une volonté de créer, d’introniser un genre mal vu en France, qui n’a d’égal que l’affliction dans le regard de Félix Marten (acteur vu, face à Jean Gabin, dans Le Pacha et La Horse), probablement engagé à moindre frais pour camper un tueur de revenants poujadiste.

Les Raisins de la mort donnera l’envie à certains de s’arracher les yeux, mais il possède le charme désarmant des causes perdues qui lui donne, encore aujourd’hui, un intérêt quasi-ethno-cinématographique que n’aura jamais réussi à acquérir, dans un genre identique, un film comme La Horde (2009). En plus, il y a Brigitte Lahaie, toute nue pour bien faire, comme ça, gratuit – merci Jean Rollin ! -, et sa plastique beaucoup plus enthousiasmante qu’un discours de Caroline de Haas sur l’étroitesse des trottoirs de Paris.

PS : Évidemment, Le Lac des morts-vivants (1981) du même Rollin, difficilement défendable celui-là, avec son père de famille SS zombie décidé à défendre la fille qu’il a eu pendant l’occup’ avec une petite fraulein française, est passé à la trappe. SEE über alles !

Le Manoir de la terreur (1980)

« Tu as l’air d’une vraie putain… Mais c’est comme ça que tu m’excites » Ainsi s’ouvre d’une manière qui ferait se tirer une balle dans la bouche les lectrices de la collection Arlequin, Le Manoir de la terreur, épigone le plus dégénéré qui soit du cinéma de genre européen arrivé alors à son stade ultime de gougnafier. Tout y est moche, les acteurs comme les actrices, les décors, la photographie, les maquillages indignes de la pire nuit de beuverie du Carnaval de Dunkerque. Et c’est dans ce crépuscule, quasi-suicidaire, que naît une forme de génie à faire certes se marrer les salles mauvaises joueuses des séances « trash » de la Cinémathèque. Mais à bien y réfléchir, jouant à fond la carte du malaise, Andrea Bianchi parvient, escroc en diable, à faire de sa série Z une opération salingue, malsaine, et finalement pas dénuée d’intérêt.

S’il mélange film de zombie lorgnant sans vergogne sur le pape du genre Fulci, il y ajoute des apartés (pauvresses ou nauséeuses) concrètement bien pensées. Le comédien Peter Bark y est franchement torve en fils à sa maman incestueux qui finira, comme tout le monde d’ailleurs, bouffé par des figurants/morts-vivants sorti d’un pôle-emploi de zone suburbaine milanaise. C’est mesquin, malsain, mais pour quiconque apprécie le cinéma italien dans ce qu’il a de plus définitif, de plus désespéré aussi, avant que les (mauvais) genres soient repris dans leur ensemble par la carnassière industrie ciné US, vous y trouverez ce charme odieux de vieille fille chère au peintre Quentin Metsys.

La Maison près du cimetière (1981)

Au-delà du classique du genre signé du roi du gore transalpin Lucio Fulci (L’Enfer des zombies et sa pauvre Olga Karlatos énuclée façon bouchère), La Maison près du cimetière, moins connu, est une petite merveille d’horreur zombiesque. Un jeune couple arrive de New York dans une maison abandonnée ayant appartenu au Dr Freudstein (sic), médecin au passé très trouble. Alerté par une gamine surgit du passé, l’enfant de la famille (Giovanni Frezza) ne pourra rien faire pour empêcher le massacre ayant pour origine de lugubres grognements venus de la cave de la maison.

Plus « resserré » que L’Au-delà et surtout plus compréhensible, La Maison près du cimetière brille par son onirisme permanent – un l’aller-retour entre passé et présent qui relient les deux enfants – et une angoisse habilement cultivée tout au long du film ; le tout constellé de fulgurances crades (dès les premières minutes, une malheureuse blonde a le crâne transpercé par un couteau de boucher). Toiles d’araignées, chauve-souris mangeuse de chair humaine, décapitation, revenant assoiffé de sang… Tout y est. Rageusement. On est très loin d’être une attraction Disney !

Le Retour des morts-vivants (1985)

Toute une génération de cinéphiles nourrie aux vidéos-clubs de province – comme l’auteur de ces lignes – ont longtemps gardé en mémoire cette relecture du mythe cinématographique des zombies façon Mad ou National Lampoon’s. John Landis aurait pu la faire : Le Retour des morts-vivants est tout à fait dans son esprit. Mais c’est le réalisateur Dan O’Bannon qui s’y est collé avec enthousiasme, réécrivant un script signé John Russo, ancien collaborateur de George A. Romero sur La Nuit des morts-vivants.

Ici, tout n’est que parodie. Les zombies sont le résultat d’expériences de militaires particulièrement crétins qui libèrent des monstres faméliques, intelligents et très prolixes dans une ville de rednecks sympathiques. Ajoutez-y quelques punks, une morgue pleine d’animaux empaillés qui reviennent à la vie, une vivisection drolatique de femme zombifiée (« Brain ! Brain ! »)… Vous obtenez une comédie trash aux effets-spéciaux soignés qui s’éloigne joyeusement des chemins eschatologiques généralement empruntés par les réalisateurs d’horreurs d’outre-trombe. Pour la petite histoire, le film (qui aura quatre – mauvaises – suites) battit à plat de couture Le Jour des morts-vivants, sorti quelques semaines plus tard, au box-office US, ce qui rendit Romero particulièrement furibard.

Braindead (1992)

Avant de combler d’un bonheur extatique les geeks tolkieniens de la planète – et d’en faire ad nauseam un filon personnel -, Peter Jackson, oui, celui des ronflants Créatures célestes et de Lovely Bones, avait signé sa potacherie zombiesque tournée aux antipodes. L’histoire ? Un singe-rat en pâte à modeler mord une marâtre dans un zoo. Elle finit par se bouffer sa propre oreille – « onctueuse et crémeuse » – avant de finir morte-vivante gigantesque. Son fils, très puceau de 40 ans, se lie avec un prêtre karatéka (vous avez bien lu) pour contrer une invasion de zombies.

Au menu : copulation entre morts-vivants, bébé mort-né bien avant celui de Zack Snyder, massacre à la tondeuse à gazon… Si vous êtes un exégète de La Communauté de l’anneau, un mordu de son King Kong, un habité de ses Hobbit, vous éviterez au risque d’un collapsus. Les autres, vous pouvez foncer. Braindead, c’est trash, c’est con et c’est bon !

Je suis un héros (2015)

Le mâle japonais semble en avoir autant sur la patate que son lointain cousin d’Occident. Un bon à rien empêtré dans un quotidien sans rayon, méprisé, humilié par sa petite amie qui, elle, attend fortune le cul vissé devant sa télé. C’est le cas d’Hideo Suzuki (le prolifique comédien Yô Ôizumi) pisse-case de mangas qui voit les promesses d’une grande carrière d’estomper de jour en jour. Et puis un matin, c‘est l’invasion de morts-vivants !

Cinématographiquement et narrativement parlant, I Am a Hero de Shinsuke Sato est probablement la plus belle réponse possible au yankee The Walking Dead. Adapté d’un manga signé Hanazawa Kengo, l’apocalypse zombie à la sauce nippone cultive un humour franc (tous les travers de la société y sont passés au tamis : patrons condescendants, taxis trop aimables, vendeurs sur-attentionnés…), l’intelligence, l’amertume aussi (le poids de la vie ratée d’Hideo) qu’une telle catastrophe peut engendrer. Après Gantz et Gantz : Révolution, Sato signe-là une petite merveille d’intelligence mais aussi d’action : son « héros » a pour hobby le ball-trap ce qui lui vaut la convoitise des survivants et, aux spectateurs, un final explosif et particulièrement visqueux. Romero + Kitano (celui de Getting any?) + Peckinpah, c’est un peu le cocktail de ce film de genre excellemment senti. Sincèrement, niveau zombies, un résultat épatant. Et, comme il se doit, jamais sorti en salles en France !

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