CLINT EASTWOOD DE A à Z

Article publié le 19 février 2020 et modifié le 24 mars 2021.

En un film, Pour une Poignée de Dollars, réalisé par Sergio Leone en 1966, Clint eastwood a été propulsé superstar. Celui qui jusqu’ici, n’avait tenu que des petits rôles au cinéma mais néanmoins marqué l’histoire de la télévision avec la série Rawhide, est depuis, resté au sommet de son art. Voici le parcours atypique et éclectique d’un personnage brillant, charismatique et magnétique, qui aura exercé son incroyable talent à la fois devant et derrière la caméra.

Par Marc Godin

A comme « AIR DU TEMPS »

Clint Eastwood est un classique (le dernier des classiques ?) et se méfie de la mode, des recettes, des sequels. « J’aime bien être là où on ne m’attend pas. » Acteur, producteur, metteur en scène, compositeur, il ne suit qu’une seule route : la sienne ! « Je me méfie de l’air du temps. Si mon film n’a aucun succès, tant pis ! Je travaille depuis plus de soixante ans dans une industrie qui suit les modes. Je déteste être un suiveur. Quand je suis arrivé à Hollywood, on m’a garanti que je n’avais aucun avenir. Les films qui ont marqué un tournant dans ma carrière échappaient au goût du jour, à commencer par Pour une poignée de dollars de Sergio Leone. Personne ne croyait plus alors au western. »

Regardez la bande-annonce de Pour une Poignée de dollars de Sergio Leone avec Clint Eastwood – 1964

C comme « CONSEILS »

Dans sa vie, Clint Eastwood n’a jamais écouté que deux conseils. Celui de son père, « N’attends jamais rien d’autre que le résultat de ton propre travail ». Et celui du comédien Cornel Wilde, qui lui intime à ses débuts « Epargne ton argent. » « Je trouvais cela un peu bizarre, comme conseil professionnel. Il m’a donc expliqué qu’il avait tourné dans des trucs abominables pour gagner de l’argent, car il n’avait rien mis de côté. Au final, c’était un bon conseil, que j’ai retenu. » 

« Le rôle m’intéressait mais quand Frank Wells, à la Warner, me l’a proposé, je n’étais pas libre tout de suite : je m’apprêtais à mettre en scène mon premier film, Un frisson dans la nuit. C’était en 1970. Wells a objecté qu’il ne pouvait pas attendre, je lui ai dit que je comprenais et je suis allé tourner mon premier long-métrage. » Clint Eastwood

D comme « DIRTY HARRY »

En 1971, Clint Eastwood trouve le rôle de sa vie, celui de l’inspecteur Harry, un flic incorruptible, énervé de la gâchette, qui règle les problèmes avec son Magnum 44. A l’époque, Eastwood tourne depuis 15 ans, des séries télé (Rawhide, Alfred Hitchcock présente, Maverick…), des westerns en Italie avec Sergio Leone. Pourtant, il a failli ne jamais tourner Dirty Harry. « Le rôle m’intéressait mais quand Frank Wells, à la Warner, me l’a proposé, je n’étais pas libre tout de suite : je m’apprêtais à mettre en scène mon premier film, Un frisson dans la nuit. C’était en 1970. Wells a objecté qu’il ne pouvait pas attendre, je lui ai dit que je comprenais et je suis allé tourner mon premier long-métrage, que j’ai bouclé en cinq semaines. Puis, alors que j’étais en postproduction, Wells m’a relancé. Il m’a expliqué qu’après avoir discuté avec Robert Mitchum et Steve McQueen, il avait signé avec Frank Sinatra. J’ai dit : « Super, où est le problème ? » Il a répondu : « Le problème, c’est que Frank s’est blessé à la main, il est out. Ca t’intéresse toujours ? » J’ai dit oui. Quand il m’a demandé qui je verrais à la réalisation, j’ai suggéré Don Siegel, avec qui je venais de tourner Les Proies. »

Regardez la bande-annonce de Dirty Harry de Don Siegel avec Clint Eastwood – 1972

E comme « EQUIPE »

Fidèle, Clint aime à s’entourer des mêmes collaborateurs de film en film. Henry Bumstead, son chef décorateur, un vétéran qui a collaboré avec Hitchcock, a travaillé avec lui jusqu’à son dernier souffle, d’Impitoyable à Lettres d’Iwo Jima. Le chef opérateur Tom Stern a ciselé la lumière de ses films de Créance de sang (2002) à Le 15h 17 pour Paris (2018). Joel Cox a monté ses films de L’Inspecteur ne renonce jamais à American Sniper, en passant par Impitoyable. Des soldats ultra-brillants, disciplinés, rapides, qui connaissent tout des exigences du vieux maître. Clint Eastwood est également ouvert aux expériences nouvelles et dans The Mule, il travaille pour la première fois avec Yves Belanger, le chef op de Xavier Dolan.

Clint Eastwood est également ouvert aux expériences nouvelles et dans The Mule, il travaille pour la première fois avec Yves Belanger, le chef op de Xavier Dolan.

I comme « IDOLES »

S’il a côtoyé dans sa jeunesse James Dean, Elvis Presley ou Jean Seberg, Eastwood ne cède pas pour autant à la tentation du souvenir ému. Pas vraiment homme à avoir des idoles, il avoue cependant admirer des stars qui appartiennent à l’âge d’or d’Hollywood. « Gary Cooper, Humphrey Bogart, Bette Davis, Barbara Stanwyck. Qui aujourd’hui peut prétendre à autant de magnétisme ? » Côté cinéastes, là aussi, il ne jure que par les maîtres. « Le premier film que j’ai jamais vu fut Sergent York d’Howard Hawks, sur un héros de la Première Guerre mondiale. J’avais 11 ans. Je me suis alors intéressé à son œuvre. John Ford, Anthony Mann, Preston Sturges, Frank Capra, Akira Kurosawa font partie de ces cinéastes essentiels, avec lesquels j’ai grandi, gamin. »

Regardez la bande-annonce de Gran Torino de et avec Clint Eastwood – 2009

F comme « FAMILLE »

C’est peu de dire que Clint Eastwood est un patriarche : sept enfants, dont Kyle, musicien de jazz qui a signé plusieurs de ses B.O., ou Alison, sa fille actrice, deux épouses. On connaît également à la star une longue relation (de 1977 à 1989) avec la comédienne Sondra Locke (morte en 2018) et une liaison avec Frances Fisher, qu’il a fait tourner dans Impitoyable.

« Aujourd’hui, j’ai d’excellentes relations avec tous mes enfants, ce qui n’a pas toujours été le cas. A mes débuts, obsédé par la réussite et ma carrière, j’étais souvent absent, à la poursuite du succès, film après film. Devenir père sur le tard m’a permis de pouvoir me consacrer pleinement à mes deux dernières filles, Francesca (née en 1993) et Morgan (née en 96). Elles ont été ma priorité, prenant le pas sur le reste, même si j’ai continué à être très occupé. J’ai participé à toutes leurs activités extra scolaires. Je crois leur avoir inculqué des valeurs traditionnelles. »

Quand on lui demande quelle est la femme qui a compté pour lui, Eastwood cite sa… mère, puis sa grand-mère !

Regardez bande annonce de Million dollar Baby de et avec Clint Eastwood – 2004

G comme « GOLF »

Le golf est une des grandes passions de Clint (il a même créé une marque de vêtements de golf). « C’est une activité qui me plaît parce qu’on peut la pratiquer à tout âge et faire de l’exercice en plein air. On joue contre soi, en quelque sorte. C’est un jeu difficile à expliquer aux profanes et trompeur. Un peu comme la technique d’acteur, en fait : meilleur vous êtes, plus cela paraît facile ! Alors que c’est un sport extrêmement dur à maîtriser, même si on le pratique pendant très longtemps. »

H comme « HUMOUR »

Clint Eastwood est un homme de peu de mots, mais il manie l’humour et la dérision comme peu. Ainsi, pour évoquer son premier rôle, au lycée, il a déclaré : « Je devais interpréter un imbécile, la prof trouvait que j’étais parfait pour le rôle. »

« Le tournage de La Kermesse de l’Ouest a été d’un ennui mortel… On a patienté des mois. Des mois ! Un village entier a été construit sur des verins, pour osciller comme un bateau ! Alors qu’il suffisait de faire tanguer la caméra ! » Clint Eastwood

I comme « IMPATIENT »

« Je suis comme Don Siegel, je pense qu’il y a une fraîcheur dans le regard d’un acteur qui joue une scène pour la première fois, qui se transforme en mécanique de jeu dès la troisième ou quatrième prise. »

Sur un plateau, Clint Eastwood est rapide, déteste attendre, perdre son temps ou l’argent de ses producteurs. En général, il tourne deux prises et c’est dans la boîte. « Je me souviens de mes débuts, dans Rawhide. On tournait vite, mais l’acteur principal avait besoin d’intégrer son personnage. Du coup, il fallait attendre, attendre… Une torture. » Eastwood a longtemps été frustré par l’attente : « Le tournage de La Kermesse de l’Ouest a été d’un ennui mortel… On a patienté des mois. Des mois ! Un village entier a été construit sur des verins, pour osciller comme un bateau ! Alors qu’il suffisait de faire tanguer la caméra ! » Exaspéré, révolté par le gâchis, l’acteur est devenu… metteur en scène, un cinéaste immense qui ne dit jamais « Action » ou « Coupez », mais « Okay ». Jeff Daniels a même déclaré : « Il fait une prise, demande au directeur photo s’il n’y a pas eu de flou, et passe à la suite. Jamais je n’ai vu pareille rapidité. »

Regardez la bande-annonce de Bird de Clint Eastwood avec Forest Withaker – 1988

J comme « JAZZ »

« Pour moi, le jazz a toujours représenté une forme de liberté d’expression et d’art purement américaine. C’est la musique que j’écoutais à la radio tous les après-midi en rentrant de l’école… Ma famille n’avait pas les moyens de me payer des leçons. J’ai appris à jouer du piano et du cornet à piston tout seul en essayant d’imiter ce que j’écoutais. J’étais d’ailleurs convaincu d’être en fait un Noir dans un corps de Blanc ! Adolescent, j’étais loin d’être extraverti. Mais je me suis vite aperçu que si je me mettais au piano lors de surprises-parties, les filles venaient tourbillonner autour de moi ! Pendant un temps, j’ai pensé être plutôt doué. Mais je manquais de discipline. J’ai laissé tomber quand je suis devenu acteur et je n’ai pas joué une seule note pendant vingt ans. »

En 1988 Clint Eastwood signe Bird, biographie de Charlie Parker, et avec Piano Blues, il participe à une série documentaire produite par Martin Scorsese où il interviewe Ray Charles. Encore plus fort, il a composé le score de plusieurs de ses films dont Million Dollar Baby, Mystic River, L’Au-delà ou J. Edgar.

« J’ai simplement vécu plus longtemps que les autres. » Clint Eastwood

L comme « LONGEVITE »

« J’ai simplement vécu plus longtemps que les autres. » Né en mai 1930, Clint Eastwood est acteur (70 films) depuis 1955 et met en scène (37 films) depuis 1971 ! Une des plus belles carrières d’Hollywood.

« Je n’imaginais certainement pas durer si longtemps dans cette profession quand je tentais désespérément de percer à Hollywood au début des années 50. J’étais déjà parfaitement conscient que le succès risquerait d’être aléatoire, au mieux temporaire, et que le facteur chance jouerait un rôle déterminant. Quel que soit le talent inné qu’on possède, c’est un paramètre non négligeable dans l’équation. J’ai pu le constater à plusieurs étapes de ma carrière.

Quand on lui demande s’il n’a jamais fait un lifting, il répond malicieusement « Si j’avais fait ça, le chirurgien aurait vachement raté son coup, n’est-ce pas ? »

Regardez la bande annonce d’American Sniper, de Clint Eastwood avec Bradley Cooper – 2015

M comme « MENTORS »

Deux cinéastes ont particulièrement compté dans le destin d’Eastwood : Sergio Leone (Pour une poignée de dollars, Pour quelques dollars de plus, Le Bon, la Brute et le Truand), et Don Siegel, avec le premier volet de L’Inspecteur Harry ou Les Proies. « Don était très expérimenté. Par contre, Sergio n’avait fait qu’un film avant que nous ne travaillions ensemble. Et on avait le même âge. Tous les deux avaient un grand sens de l’humour, mais Sergio l’utilisait dans ses films et sur les plateaux alors que Don travaillait dans le plus grand sérieux. Sergio était un grand metteur en scène de plans virtuoses, complexes, sophistiqués. »

« En certains domaines, je me sens progressiste, en d’autres conservateur. Le problème de la société américaine aujourd’hui, c’est que chacun, persuadé de détenir la vérité, caricature ses opposants. » Clint Eastwood

O comme « OPINIONS »

Ses opinions politiques, Clint Eastwood les garde pour lui. « Je suis partisan de laisser les gens faire ce qu’ils veulent, du moment qu’ils n’embêtent pas le voisin. C’est mon grand problème avec l’humanité en général : au lieu de juger les autres, de leur dire comment mener leur vie, les gens feraient mieux de balayer devant leur porte. »

On le considère comme un républicain bon teint (il a soutenu  Bush ou Trump et déteste Obama), il se voit plutôt comme un libertarien : « En certains domaines, je me sens progressiste, en d’autres conservateur. Le problème de la société américaine aujourd’hui, c’est que chacun, persuadé de détenir la vérité, caricature ses opposants. »

Pendant sa mandature comme maire de Carmel (1986-1988), il n’eut de cesse de réduire les impôts et de pourfendre la bureaucratie.

Regardez la bande-annonce de Chasseur blanc, cœur noir, de et avec Clint Eastwood – 1990

P comme « PILOTAGE »

« J’ai commencé au cours de l’été 1968 pendant le tournage de La Kermesse de l’Ouest, dans l’Oregon. Puis, en juin 1989, juste avant de me rendre au Zimbabwe pour réaliser Chasseur blanc, cœur noir, je suis allé au Salon de l’aéronautique du Bourget où j’ai commandé un Ecureuil monomoteur de l’Aérospatiale. Après le tournage, j’ai passé du temps au centre de formation d’Aix-en-Provence, tandis qu’on mettait au point mon appareil. Il est parqué dans un hangar à l’aéroport de Burbank. En un peu moins de deux heures, je peux me poser à Carmel. J’aime l’anonymat que cela procure. Aux commandes, on est juste un numéro en plein ciel. »

Au fil des années, il a également refusé Superman, Rambo, La Tour infernale, Les Rois du désert ou encore les rôles d’Harmonica dans Il était une fois dans l’Ouest et de Willard dans Apocalypse Now.

R comme « REFUS »

En 1969, Clint Eastwood aurait pu succéder à Sean Connery et être le nouveau 007 dans Au service secret de Sa Majesté. « Cela aurait été un deal très avantageux financièrement pour moi, mais je venais de terminer une trilogie et je ne me voyais pas signer pour une autre en risquant d’être cantonné dans un genre et piégé à long terme. Il me semble qu’ils ne se sont finalement pas trop mal débrouillés sans moi ! »

Au fil des années, il a également refusé Superman, Rambo, La Tour infernale, Les Rois du désert ou encore les rôles d’Harmonica dans Il était une fois dans l’Ouest et de Willard dans Apocalypse Now.

Regardez la bande-annonce de J. Edgar de Clint Eastwood avec Leonardo DiCaprio – 2011

S comme « SECRET »

Clint Eastwood ne se livre guère. Ses divorces se passent sans scandale. Ses séparations – sauf celle avec Sondra Locke – se font à l’amiable. Ses affaires financières, ses cachets, ses pourcentages sur les recettes restent dans l’ombre. Rebelle et conformiste, un pied dans le système, un pied en dehors, c’est un homme public et une star discrète.

On sait néanmoins qu’il a tourné des dizaines de westerns, mais qu’il hait les chevaux, qu’il est richissime, mais qu’il se promène dans un break Volvo rouillé, qu’il ne crie pas, mais qu’il fait des colères froides terrifiantes. « Je n’aime pas la lumière. »

Regardez la bande-annonce de La Mule de et avec Clint Eastwood – 2019

T comme « THE MULE »

Après Sully et Le 15h 17 pour Paris, Clint Eastwood revient avec The Mule, thriller inspiré d’une histoire vraie, celle de Leo Sharp, arrêté en octobre 2011 avec 107 kg de drogue dans le coffre de sa voiture. Vétéran de guerre, horticulteur reconnu dans le monde, ce passeur de drogue de 87 ans a transporté la drogue d’un cartel mexicain pendant 10 ans.

Tourné l’été dernier, montée dans la foulée, The Mule est une nouvelle pépite de l’extraordinaire filmo de Clint Eastwood.

« J’ai une réelle affection pour la Warner. Cela dit, je n’ai de contrat avec personne. Si quelqu’un d’autre me propose une bonne histoire, j’irai la tourner. L’Echange, par exemple, est un film Universal. » Clint Eastwood

lire aussi : notre critique de The Mule

W comme « WARNER BROS »

Clint Eastwood est d’une fidélité absolue au studio Warner Bros. Il tourne L’Inspecteur Harry avec eux, mais à l’époque, il était un poulain de la Universal et il y reste quelques années encore. Ce n’est qu’en 1976, avec Josey Wales, hors-la-loi, qu’il rejoint Warner pour de bon. « Je leur ai dit : ‘‘Voilà, il y a ce western que je veux réaliser, et je suis prêt à installer mes bureaux de production chez vous si vous êtes d’accord.’’ J’ai une réelle affection pour ce studio. Cela dit, je n’ai de contrat avec personne. Si quelqu’un d’autre me propose une bonne histoire, j’irai la tourner. L’Echange, par exemple, est un film Universal. »

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