Par Jean-Pascal Grosso

Avec Les Frères Sisters, Jacques Audiard signe un western et, derechef, c’est la course aux superlatifs. Dans ce nouveau couronnement critique, le metteur en scène se retrouve porté par des plumes louangeuses presque plus que ses interprètes auquel le film doit résolument beaucoup.

Pour reprendre le vocable (cinématographique) de l’Ouest, les frères Sisters, Charlie (Joaquin Phoenix), cadet alcoolique implacable de la gâchette, et Eli (le toujours impressionnant John C. Reilly), qui vit sous son joug, sont de beaux « enfants de putain » qui officient violemment pour le compte du Commodore (Rugter Hauer), figure emblématique d’une Amérique avide et corrompue.Chargés de retrouver un « chimiste » (Riz Ahmed) en possession d’une formule qui facilite la quête de l’or, ils doivent faire équipe avec un détective privé réfléchi et posé (Jake Gyllhenhaal)…Evidemment, rien qu’à l’énoncé du casting, le film risque peu de décevoir. Ce qu’il fait assurément.

Les Frères Sisters – hommage du réalisateur à son frère aîné disparu il y a 42 ans – est une énième (et réussie) incursion d’un auteur européen dans un univers et ses codes fondamentalement « yankee ». Les Italiens, bien sûr, « démolisseurs » suprêmes, sont passés par-là avant, les Espagnols, ainsi que les Allemands et leur Winnetou.

Au sens de l’épique, le démiurge du Prophète, d’Un héros très discret, privilégie la psychologie des personnages – la relation amour/haine entre les deux frères, les rêves fouriéristes du chimiste… – et celui du détail, de l’histoire dans l’histoire – la « naissance » de la brosse à dents, les conséquences d’une piqûre d’araignée…-. Tout cela se regarde avec intérêt, satisfaction, chronique d’un « nouveau monde » forgé par l’arrivée massive d’immigrants européens, d’une ruée vers l’or qui à la fois détruit puis reconstruit tout sur son passage à la force du poignet comme au feu du colt.

Manque juste, pour un genre résolument proactif, viril, à part une scène phénoménale dans un bordel rouge comme l’enfer, un souffle, un sens plus poussé, osé de l’action, qui aurait évité certains tunnels, une langueur à mi-parcours.

L’impact visuel est là (la fuite d’un cheval en feu…), mais le tempo endiablé, voire déchaîné, électrique, c’est ce qui reste généralement à l’esprit des amateurs du genre – un metteur en scène comme le coréen Kim Jee-Woon l’avait très bien compris.

La scène finale du film, celle inversée de La Prisonnière du désert de John Ford, une porte qui se referme et laisse derrière elle un destin de chaos, symbolise aussi pour son auteur un passé somme toute réglé. Le temps, enfin conquis, de l’apaisement.

Date de sortie : 19 septembre 2018 – Durée : 1h57 – Réal. : Jacques AudiardAvec : Joaquim Phoenix, John C. Reilly, Jake Gyllhenhaal… Genre : western – Nationalité : française

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Au sens de l’épique, le démiurge du Prophète, d’Un héros très discret, privilégie la psychologie des personnages – la relation amour/haine entre les deux frères, les rêves fouriéristes du chimiste… – et celui du détail, de l’histoire dans l’histoire – la « naissance » de la brosse à dents, les conséquences d’une piqûre d’araignée…-. Tout cela se […]