ils n’ont pas vu le même film

Le pour et le contre des journalistes de SEE

Contre UN FORT BOYARD VIRTUEL

Par Marc Godin

Dans le futur, des ados s’affrontent pour prendre le contrôle d’un monde virtuel. Scénario bas du front, mise en scène indigne de Spielberg : quelque chose comme Fort Boyard dans la réalité virtuelle. La déception de l’année.

Au-delà de la déception…

Je ne pensais pas écrire cela un jour, même dans mes pires cauchemars : Steven Spielberg s’est gravement planté. Rien qu’à relire cette pauvre phrase, j’en ai les larmes aux yeux. Car Spielberg est plus qu’un réalisateur, c’est un magicien, un homme qui toute ma vie m’a pris par la main pour me raconter des histoires de requins, d’extraterrestres, de dinos, d’aventuriers, d’holocaustes et d’amour, un génie qui a révolutionné le cinéma et qui a changé ma vie. Nos vies.

Depuis le pas très funky Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal (2008), Spielberg fait dans un cinéma plus classique, délaissant les superproductions d’aventures pour des œuvres plus intimistes, souvent passionnantes comme Le Pont des espions, Lincoln ou l’excellent Pentagon Papers. Ses grosses machines (Tintin, Le BGG, Cheval de guerre) semblent plus poussives, bien ternes en comparaison avec Il faut sauver le soldat Ryan, Jaws ou Minority Report

C’est dire si j’attendais le grand retour de Spielby à la SF avec un énorme budget, les meilleurs techniciens et informaticiens pour une plongée au cœur du virtuel. Las, Ready Player one est un échec sur toute la ligne. A commencer par le scénario…

Nous sommes en 2045. Le monde est devenu une immense décharge publique et les hommes s’entassent dans des mobil-homes sordides, empilés comme des immeubles du troisième type. Pour tuer les temps, vivre par procuration, oublier la misère, ils trompent leur ennui avec des lunettes de réalités et rejoignent l’Oasis, pour vivre à travers leurs avatars des aventures dans des mondes exotiques et colorés (on va le dire comme ça). L’opium du peuple ! Wade Watts, un ado accro (pléonasme), se balade de monde en monde, se bastonne avec des aliens belliqueux ou fait des courses de voitures où il affronte King Kong.

Mais le créateur de l’Oasis est mort depuis quelques années déjà et il a décidé de léguer son bébé à plusieurs milliards de $ à celui qui trouvera trois clés, cachés dans ses innombrables mondes. Dans cette chasse au trésor, Wade est sur la piste de départ mais aussi la moitié de l’humanité connectée et un homme d’affaires très méchant…

Voilà pour le scénario écrit par l’auteur du bouquin, Ernest Cline, et ce nullard de Zak Penn, l’auteur immortel d’Elektra, X-Men l’affrontement final ou Hulk version Louis Leterrier. Que des daubes, ou presque. Toute sa vie, Spielberg a bossé avec des pointures du scénario comme Steve Zaillan, David Koepp, Tony Kushner ou Ethan Coen et là, il se coltine avec un débutant qui n’a signé que deux épisodes de série TV et un nullard abonné à la médiocrité absolue.

Résultat, le film ressemble à un Fort Boyard dans la réalité virtuelle, avec le père Fouras qui pose une série d’énigmes débiles et donne des clés pour accéder à un niveau supérieur. Puis, tous les quarts d’heure, une grosse séquence d’action (en voitures, bastons, à l’intérieur d’un film…).

C’est juste le néant absolu, avec des trous dans la narration, des coups de théâtre improbables et des persos à peine esquissés. Pour masquer le vide, les scénaristes égrènent, comme dans le bouquin, une série de clins d’œil et de références à la culture geek (oh, Godzilla, Chucky, la DeLorean, un T Rex…) que le fan va s’amuser à comptabiliser, décrypter (et cette formule magique, elle vient… d’Excalibur, bien sûr !).

Alors, pourquoi Spielberg a t-il embauché ces deux tocards ? Parce qu’il pense que le spectateur a seulement besoin d’énigmes débiles et de bastons avec 10 000 guerriers qui se foutent sur la gueule, comme dans un machin numérique de Peter Jackson ? Parce qu’il est sûr que sa mise en scène va sublimer ce script en dessous du niveau de la mer ?

© WARNER BROS. ENTERTAINMENT INC.

Mais le second problème du film, c’est la mise en scène ou plutôt la non mise en scène de Spielberg. Le film s’ouvre sur la chanson de Van Halen, Jump, prototype du rock FM ringard. Spielberg aurait pu choisir n’importe quel tube des années 80 et il choisit ce truc moisi, parfait pour une pub, qui même à l’époque était du simili hard surproduit. Bref, ça commence mal…

Ready Player one dure 140 interminables minutes et la plus grande partie se déroule dans la réalité virtuelle avec des avatars ressemblent à des Minimoys (Luc, tu peux demander des droits d’auteur). Bref, c’est d’une laideur absolue.

Sur le plan formel, Ready Player one s’apparente à un cinématique de jeux vidéo, moins excitant qu’un Call of Duty, Zelda ou Assassin’s Creed. Comment le metteur en scène de Jaws ou Il faut sauver le soldat Ryan, qui a inventé quelques-uns des plans des plus iconiques du cinéma, peut-il recopier, compiler les cinématiques de jeux à la mode ?

C’est simplement incompréhensible ? Et insupportable ! Pourtant, lors d’une séquence d’anthologie, Spielberg montre enfin ses muscles et tue la concurrence. Dans la scène du cinéma (attention spoiler), Spielberg plonge son héros et ses quatre potes « à l’intérieur » du film Shining. Nous sommes dans les décors du film de Kubrick, on se balade dans les couloirs de l’Hotel Overlook, on retrouve l’ascenseur qui dégueule de sang, puis on arrive dans la chambre 237, avant d’affronter des zombies géants dans le labyrinthe.

© WARNER BROS. ENTERTAINMENT INC.

Pendant quelques minutes, on sent Spielberg enfin concerné. Il reprend la main sur son armée d’informaticiens appliqués et laisse enfin éclater son génie étincelant. C’est dingue, supérieurement réalisé, cela génère une inquiétante étrangeté et Spielberg nous propulse enfin dans un ailleurs, une nouvelle dimension (j’ai l’impression que cette idée va être maintenant décliné par tout le monde). Ce film dans le film, avant la danse naze avec des zombies, est tellement enthousiasmant que j’en ai poussé un cri de jouissance !

Alors que les premières critiques tombent, j’ai pu lire çà et là que Ready Player one était un vrai film d’auteur, profond et radical, doublé d’un autoportrait du maître (le héros ressemble à Spielberg à 20 ans et le concepteur du jeu vidéo, Halliday, façonne les rêves de ces concitoyens, comme Spielby depuis 40 ans). Mais quand tu as dit ça, qu’est-ce que tu as dit, en quoi est-ce intéressant que Spielberg avance (dé)masqué dans plusieurs personnages ? Le film est définitivement vide, froid, désincarné et bas du front et à la fin, Spielberg nous balance sa double morale débile : les copains, c’est bien, et la réalité, c’est mieux que le virtuel. Sans dec’, ma poule !

Spielberg a 71 ans. Il signe un film de vieux destiné à des jeunes qui risquent de trouver son bouzin pour le moins dépassé, obsolète et à côté de la plaque.

Spielby, tu nous dois définitivement une revanche… 

Pour ULTIME ET UTILE

En 2045, alors que c’est le chaos, l’humanité passe l’essentiel de son temps à jouer dans un espace virtuel interconnecté appelé OASIS.

Par Colonel dawa

Autant le dire d’emblée, ce film est une véritable claque, tant sur le plan formel que scénaristique.

A 71 ans, Steven Spielberg explose « façon puzzle » toutes les théories du « C’était mieux avant » en matière de mise en scène, parce qu’il prouve une fois de plus avec ce film qu’en ce qui le concerne, c’est mieux maintenant. En adaptant le roman éponyme de Ernest Clime, publié en 2011 et sorti en France en 2013, le réalisateur savait que l’enjeu était énorme et que l’exercice allait s’avérer plus que délicat, Spielberg ayant d’ailleurs récemment déclaré que RPO avait été son troisième film le plus difficile à réaliser.

Mise en abîme

Un enjeu énorme d’abord sur le plan culturel. Dans le magazine Empire, Zak Penn, le scénariste du film, a fait une petite note d’humour en déclarant qu’un Oscar devait être décerné à celui ou celle qui a négocié toutes les licences des références utilisées dans le film. De la De Lorean de Retour Vers le Futur au Géant de Fer en passant par King Kong, Shining ou encore Atari pour les plus évidentes, c’est en tout plus de 200 références de la pop culture des années 80 et 90 qui y sont citées.

Oui, pour Spielberg, l’enjeu culturel était énorme car au fond, qui représente le mieux cette « pop culture » à part lui ? Cela aurait pu être d’une prétention crasse que de proposer une telle mise en abîme de la part d’un réalisateur, qui d’une certaine manière, l’avait déjà fait en 2011 en produisant Super 8 de J.J. Abrams. Mais on ne sent à aucun moment cette prétention, ni même une intention de s’auto-proclamer.

Une virtuosité technique

Un enjeu énorme également sur le plan formel. Oui, on pouvait penser que le réalisateur se plante avec un film d’une telle envergure technique et visuelle. D’abord parce que si l’on regarde la décennie passée, on est bien obligés de reconnaître que le Maestro, entre Cheval de Guerre, Lincoln, Le Pont des Espions et Pentagon Papers, nous avait proposé des films maîtrisés, carrés, forcément bien réalisés mais dont les trames de narrations et visuelles, étaient ultra classiques.

Alors oui, enjeu réussi également. Ready Player One, comme Indiana Jones ou encore Jurassic Park en leur temps, place la barre bien plus haut que celle atteinte par les Christopher Nolan ou Denis Villeneuve, pour ne citer qu’eux. RPO, en toute logique, devrait servir de manifeste et de référence ultime pour au moins la décennie à venir.

Un cinéaste hors norme

Mais Spielberg, pour les rares qui en doutent encore, est un cinéaste bien plus profond que les apparences. La qualité de Ready Player One ne se résume pas uniquement à filmer des acteurs sur fond vert. Le réalisateur aime les comédiens, aime les histoires et aime les métaphores. Chez Spielberg, il ne faut pas gratter le vernis trop longtemps pour s’apercevoir que, passé le clinquant, il y a toujours cette critique d’une société qui n’évolue pas forcement vers là où elle devrait aller. Il y a toujours ces personnages jeunes et solitaires, abandonnés, qui souffrent et se réfugient dans d’autres univers, mais qui sont tous des résilents, cette résilience n’étant possible que par une alliance avec d’autres solitaires également. Chez les opprimés, l’union fait la force. Il y’a toujours des acteurs fabuleux et un poil dingos, et pas uniquement dans les premiers rôles. Spielberg a le souci du détail et en aucun cas, il n’est le cinéaste de la norme.

RPO n’est pas simplement un film de divertissement réussi. La nostalgie ambiante qu’il véhicule est le témoin d’une humanité qui va mal et qui, même chez les jeunes générations, se réfugie dans un monde d’il y a vingt ans.

Finalement en un peu plus de deux heures, Steven Spielberg, prouve que son talent est intact et qu’avec RPO, il a signé un film ultime et utile. Un de plus.

Date de sortie : 20 décembre 2017 – Durée : 2h20 – Réal. : Steven Spielberg  – Avec : Tye Sheridan, Olivia Cooke, Ben MendelsohnGenre : science fiction – Nationalité : Américaine

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