Par Jean-Pascal Grosso

Un soldat perdu se lance dans une croisade personnelle en Indochine. Avec Les Confins du monde, Guillaume Nicloux signe un conte de guerre viscéral et halluciné.

Avec Les Confins du monde, Guillaume Nicloux, qui signe ici, annonçons la couleur, son plus beau, son plus grand film, dépassionne d’office son sujet.

Ceci n’est pas un film politique. Son postulat, même sous l’écrasante chaleur asiatique, se fait à froid. Il détaille le quotidien d’hommes (saluer l’excellente distribution, galerie de « gueules », chapelet de regards hallucinés…) aux prémices de la Guerre d’Indochine avec l’œil scrutateur d’un chirurgien.

Cette absence idéologique – qui lui vaudra à coup sûr l’ire des actuels boutiquiers du « post-colonialisme » -, symbolisée à l’écran par un écrivain qui ne veut pas « prendre part » (Gérard Depardieu, spectral), renforce la crudité du récit.

Tout n’est ici que chairs tranchées, martyrisées, corps rompus, sexes nus ; un érotisme brut également omniprésent.

L’histoire est vue du côté d’un soldat, Robert Tassen (Gaspard Ulliel) – fortement inspiré de Roger Vandenberghe, combattant légendaire -, ivre de vengeance après le mort de son frère. Sa vendetta tournera à l’obsession, suicidaire.

De ce fait, Nicloux, et c’est tout à son honneur, nous épargne le masochisme mémoriel, l’habituelle gymnastique culpabilisatrice : l’armée française est représentée telle qu’elle fut sûrement, ardente, obscure, scarifiée, sacrifiée.

L’ennemi, le Viêt-Minh, n’y est pas non plus magnifié. Sa barbarie reste celle des guérillas, implacable, incroyablement traumatisante. Il faut choquer l’adversaire sans faire dans le détail. Le réalisateur n’en fait donc pas non plus : il expose, dissèque, décapite. Même l’idylle entre Tassen et Maï (Lang Khê Tran), une fille de bordel, ne résistera pas à ce chaos sanglant.

A chacun ses choix, son destin. On pense, en écho, à Michael Cimino pour le martyr des hommes, mais aussi à Werner Herzog pour l’emprise de la jungle.

Pour un cinéaste français, ce n’est quand même pas si mal !

Sortie : 5 décembre 2018 – Durée : 1h43- Réal. : Guillaume Nicloux – Avec : Gaspard Uliel, Guillaume Gouix, Lang-Khê Tran… – Genre : drame – Nationalité : française

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