Par Marc Godin

En maillot de bain, des quinquas dépressifs et bedonnants tentent de noyer leur mal de vivre dans le chlore d’une piscine. Emotions synchronisées pour une comédie dépressive, sincère et bienveillante.

A priori, je n’avais pas trop envie de plonger dans Le Grand bain (humour de critique). Des années de comédies françaises misérables ont fait que je sèche maintenant les trucs préfabriqués comme les films avec Jamel, Omar Sy, Philippe Lacheau, les Camping, Taxi, Les Tuche et autres Alad’2, que je rattrape, ou pas, sur Canal.

Des films pas drôles, lourdingues, assez misérables, qui n’ont pas grand-chose à voir avec le cinéma. Certains cinéastes semblent plus ambitieux, je pense aux duos Jaoui-Bacri ou Tolédano-Nakache, mais leurs (télé)films sont incroyablement paresseux, sentencieux, avec des messages importants comme le racisme, c’est pas bien, ou les riches sont pas gentils.

Une grande comédie populaire et ambitieuse

Avec ses quadras-quinquas largués et chômeurs qui découvrent le sens du collectif en s’adonnant à la natation synchronisée, Le Grand bain ne sentait pas très bon. Et pourtant, c’est un des meilleurs films de 2018. Et de loin ! La preuve que l’on peut réaliser en France une grande comédie populaire, ambitieuse, avec vrai scénario ancré dans le réel, une dizaine de personnages attachants, d’excellentes répliques, des gags épatants, des acteurs parfaitement dirigés…

De fait, j’ai adoré Le Grand bain, j’ai été touché au cœur parque si c’est une comédie, c’est une comédie dépressive, mais bienveillante, avec une inspiration sociale pour le moins réussie.

Parce que les personnages sont remarquablement ciselés, on rit avec eux et jamais d’eux.

Parce que les comédiens jouent collectifs et sont TOUS magnifiques (même si Philippe Katerine reste mon chouchou).

Et parce que le film regorge d’idées de cinéma, de belles idées.

J’ai fini recroquevillé dans mon fauteuil, sanglotant comme un bébé et je suis sorti de la salle vidé. Et heureux.

Un film ‘‘MALGRE’’

Feel good movie sur fond de dépression, Le Grand bain nous présente une série de personnages cabossés par la vie : des chômeurs, des mecs vulnérables, largués par leurs femmes, rudoyés par leurs mères, séparés de leurs enfants, des dépressifs, des ratés…

Le film de Gilles Lellouche refuse l’humour qui tâche et la facilité. Il n’est pas très drôle, parfois dramatique, juste ponctué ça et là de gags imparables et de dialogues hilarants. Pourtant, malgré le sujet, le film cartonne et aura bientôt séduit 4 millions de spectateurs.

S’il touche autant, c’est que Gilles Lellouche est incroyablement sincère et qu’il a parfaitement capté l’air du temps. Finis les mâles alpha et les grandes gueules, l’homme de 2018 est paumé, il bouffe des anxiolytiques, fume des joints pour supporter sa solitude, sa misère sociale ou affective. Et dans cette époque désenchantée où l’on nous serine le « en même temps » macronien, Lellouche murmure à notre oreille une douce musique sur fond de « malgré ». De fait, si Le Grand bain séduit autant, c’est parce qu’il s’agit d’un film ‘‘MALGRE’’. Je m’explique.

Malgré mon bide, ma calvitie, mes claquettes, je peux être beau. D’ailleurs, je suis beau.

Malgré le chômage, ma femme m’aime.

Malgré ma dépression, je fais tout pour ne pas couler.

Malgré mes défauts, ma sale gueule ou mon mauvais caractère, mes amis me soutiennent, m’épaulent.

Malgré les emmerdes, malgré l’adversité, je n’ai pas abandonné.

Malgré les insatisfactions, les échecs, je peux me réinventer à travers le groupe.

« On va chercher la fille qui est en nous »

Ce classique instantané s’inscrit dans la lignée des comédies anglaises comme Les Virtuoses ou de The Full Monty. Film d’hommes, Le Grand bain présente également une sublime galerie de femmes, complexes, à la fois paumées et fortes : Virginie Efira, alcoolique qui souffre d’addiction amoureuse, Leïla Bekhti Mère Fouettarde qui mène les hommes à la baguette et Marina Foïs, modèle d’amour et de compréhension dont certaines répliques (« On est fiers l’un de l’autre. Pas toujours mais souvent ») résonnent longtemps après la projection.

A l’heure de #metoo, le film prône la réconciliation entre les sexes, la tolérance, l’amour et peut-être la redistribution des cartes. Au bord de la piscine, Virginie Efira déclare même : « On va chercher la fille qui est en nous ».

Dans cette France dépressive où règne l’individualisme forcené, la course à la performance, cette société connectée où tout le monde a l’œil rivé sur son Smartphone dans l’espoir d’un hypothétique Like, Lellouche semble nous dire que l’important est de s’assumer et que le collectif est l’avenir de l’homme.

Beau programme.

Sortie : 24 octobre 2018 – Durée : 1h58- Réal. : Gilles Lellouche – Avec : Mathieu Amalric, Guillaume Canet, benoit Poelvoorde… – Genre : comédie – Nationalité : française

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