Par Marc Godin

Plongée dans la tête d’un serial killer qui considère le meurtre comme une œuvre d’art. Un cauchemar meurtrier, burlesque et dément, mitonné par notre punk danois préféré.

Sur la main droite de Lars von Trier, 62 ans, sont tatouées quatre lettres, de l’index à l’annulaire :
F
U
C
K
F U C K
Est-ce un mantra, une philosophie, une déclaration de guerre ?

Dépressif, vieilli prématurément, bourré de médicaments, Lars von Trier reste un rebelle, l’irréductible du Danemark qui cisèle depuis 34 ans une des plus belles filmos de l’histoire du cinéma, des films en fusion où il est question de sperme, de larmes et de sang.

C’est un génie, un surdoué, un punk et un clown (le Dogme, ça vous rappelle quelque chose ?), un artiste plein de morgue (« Je suis le plus grand réalisateur ») qui refuse de se justifier, auteur de films qui terrifient, déroutent, consternent parfois, électrisent toujours, provoquent, des films vivants, formellement sublimes qui autopsient l’âme humaine.

Au fil des années, LVT nous a cisaillé la rétine avec les scènes chocs d’Antichrist ou de Nymphomaniac, donné à voir certains de plus beaux plans de l’histoire du 7e art (le prologue grandiose sur fond de Tristan et Iseult ou le final de Melancholia, les images hypnotiques d’Element of Crime), sidéré avec les séquences pornographiques des Idiots, Nymphomaniac ou Antichrist, bouleversé avec l’insoutenable beauté de Breaking the Waves, Manderlay ou Dogville.

Lars Von Trier ne cherche pas, il trouve

Lars von Trier est l’alchimiste du cinéma : il mélange ordure et merveille, souillure et sublime, transforme ses angoisses en films et nous confronte à nos peurs : la peur du corps, la peur du sexe, la peur de l’autre, la peur de la mort, l’épouvante que peut générer la nature… Comme Picasso, von Trier ne cherche pas, il trouve. Le désir, l’amour, la mort, la psychanalyse, le deuil, le racisme, la religion, la fin du monde : il vomit tout sur une toile digitale. Et à chaque film, il convie le spectateur à un voyage où très peu de cinéastes sont allés, il suffit juste de se laissez embarquer au pays du chaos et des abymes.

Une œuvre apocalyptique et burlesque

C’est peu dire que l’on attendait son nouveau bébé, cinq ans après l’extraordinaire Nymphomaniac. Il revient avec une histoire de serial killer (sujet qu’il avait déjà abordé dans son premier film, Element of Crime), à mille lieues de Se7en, Le Silence des agneaux et autres Halloween.

Tête d’employé névrosé, Jack, incarné par un excellent Matt Dillon, est donc un tueur qui massacre homme, femme (surtout des femmes), enfant, mais aussi un esthète qui considère le meurtre comme une œuvre d’art. D’ailleurs, les cadavres de ses victimes sont transformés en installations macabres, les pièces en putréfaction d’un étrange projet artistique.

Théoriser sur le mal

A travers cinq « incidents » (lire cinq meurtres, plus ou moins répugnants), on va suivre Jack dans son projet ultime, la construction d’une maison parfaite. Conversant en voix-off avec un confesseur invisible, monsieur Verge, Jack (mais n’est-ce pas LVT qui parle ?) va théoriser sur le mal, l’art, évoquer Hitler ou Glenn Gould, entre deux coups de cric dans la gueule d’une victime.

Pour le reste, The House that Jack built est un objet étrange, un essai cinématographique de 2H 35 qui évoque Nymphomaniac, une œuvre apocalyptique et burlesque où LVT vous embarque pour la dernière demi-heure dans le septième cercle de l’enfer, nouvel hommage à Tarkovski. Bien sûr, le film est trop long, parfois incompréhensible, provo. Mais ce diamant noir s’apparente à un trip, un tour de grand huit au pays de la folie. Est-ce une comédie, un autoportrait déglingué de LVT, une comédie post #metoo ? Le bad boy danois ne vous donne aucune réponse mais vous propose une expérience de cinéma comme vous en vivrez rarement.

Pourriez-vous passer à côté d’un truc pareil ?

Sortie : 17 octobre 2018 – Durée : 2h35 – Réal. : Lars von Trier – Avec : Matt Dillon, Bruno Ganz, Uma Thurman… – Genre : drame – Nationalité : danoise

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