Gérard Depardieu et Christian Clavier courent après le scénario de leur vie. Cinéma, mort et ennui : Bertrand Blier revient pour un ultime tour de piste.

Par Marc Godin

C’est un pic, c’est un roc, c’est un cap, c’est un monument, un metteur en scène qui a propulsé le cinéma français dans une autre dimension, inventé/révélé des acteurs comme Dewaere et Depardieu, propulsé ses spectateurs incrédules dans des vagins géants ou dans un univers absurde et sombre, entre Kafka (dans sa culotte) et Beckett.

Bertrand Blier, puisque c’est de lui qu’il s’agit, déboule aujourd’hui avec son 19e long-métrage. Il a 80 ans au compteur et semble avoir de plus en plus de mal à faire financer ses films. De fait, neuf ans se sont écoulés entre Le Bruit des glaçons et ce Convoi exceptionnel. Après le cancer, la mort.

Bah ouais, ça rigole plus chez BB, ça coince, ça grince, ça gargouille et ça crève. Le Convoi exceptionnel sent le sapin et nous entraîne direction le cimetière, avec deux cadavres exquis.

Pousser un caddie comme un con

Il y a deux mecs, Taupin (Gérard Depardieu) et Foster (Christian Clavier), coincés dans un embouteillage. « J’ai beaucoup merdé », assure Taupin. C’est peu dire. Il a tout perdu, même son amour de jeunesse, et pousse son caddie de supermarché comme un con, en attendant la mort, probablement.

Foster a une belle voiture, un beau manteau et un scénario. Et dans ce scénario, il est écrit que dans la scène 17, les deux hommes doivent dessouder un dénommé Leréveillé, qu’ils ne connaissent même pas. La suite – abracadabrantesque – dans ce Bruxelles nocturne et désert, verra passer une femme en mal d’aventures, un barman, un flic qui ne sert à rien, des scénaristes qui n’arrivent plus à faire avancer l’action, un amour de jeunesse… Et des pages de scénario qui leur arrivent, encore et toujours.

Un goût de cendres

Comme toujours chez Blier, les dialogues sont au rasoir. Ca commence sur des chapeaux de roue, puis Blier prend des chemins de traverse, comme d’hab. Mais Blier peine à construire une histoire et enfile les sketchs, les saynètes, plus ou moins réussis. Ca passe, ça lasse, ça casse. Car tout n’est pas du même acabit et si Blier nous touche quand il cause cinéma (Quai des orfèvres avec son père, Les Valseuses, Marcello Mastroianni ou Armacord), il nous perd quand il radote, bégaie, sur le sens de la vie, la mort, les femmes, toussa, avec des accents métaphysico-existentiels bien plombés. C’est En attendant Gégé, la grâce et le génie en moins.

Convoi exceptionnel est écrit, trop écrit, avec des comédiens qui semblent pétrifiés, comme dans un musée (on a parlé un temps d’Edouard Baer, qui aurait probablement été plus à même de donner la réplique au monstrueux Gégé). D’ailleurs, pourquoi la plus belle scène du film – celle ou Gégé déroule la recette la recette du poulet en cocotte – semble complètement improvisée ?

Absurde, décalé, tordant par instants, insupportable à d’autres, Convoi exceptionnel laisse un goût d’inachevé et de cendres dans la bouche. Comme un testament foutraque et décevant. Et avec une certitude : celle de ne plus jamais revoir un film de Bertrand Blier.

Sortie : 13 mars 2019 – Durée : 1h22 – Réal. : Bertrand Blier – Avec : Gérard Depardieu, Christian Clavier, Farida Rahouadi… – Genre : comédie – Nationalité : française, belge

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